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Vermeer - La Leçon |
On est bien peu de chose. On a devant soi des élèves, trois ou quatre heures par semaine.
On les garde pendant une année scolaire. Parfois deux ou trois.
On a l'impression de les connaître. On les observe - mais moins qu'ils nous observent.
On les conseille, on les guide, on essaye de leur apprendre quelques petites choses. Des connaissances, des règles de grammaire, des fables de La Fontaine.
On leur parle, on leur dit "Bonjour, enlève ta casquette."
On leur sourit, on convoque leurs parents, on écrit des pages et des pages de commentaires sur eux, on fait des rapports, des conseils de classe, des concertations avec les collègues.
On s'en occupe. On les admire, on les déteste. On les maudit quand ils n'ont rien retenu de ce qu'on a raconté en classe.
Et puis ils s'en vont.
Quelques années plus tard, on a oublié le nom de la plupart d'entre eux. Mais parfois, on en croise un dans la rue et tout nous revient, comme par miracle. Comme si on avait relu tout le dossier scolaire la veille.
Souvent, je me souviens de mes années d'élève. J'étais une de ces jeunes filles discrètes, un peu rêveuse, je crois. Je ne sais pas si j'ai marqué mes profs.
Et aujourd'hui, je suis prof et je me demande si je marque mes élèves. Ce sont des questions idiotes. Il n'empêche que pour ma classe de 6ème, à vie, je serai leur prof principale, je serai leur prof de français de 6ème, la seule et l'unique qu'ils auront eue.
Moi, j'ai eu quelques profs inoubliables. Je me rends compte qu'ils ne sont pas si nombreux. Mais j'aimerais leur rendre hommage.
J'ai eu Mlle Broisin, en 6ème, deux ans de suite, parce que j'ai redoublé et encore en 4ème. C'était ma prof d'histoire-géographie. Elle me captivait. Je voulais être prof d'histoire-géographie, pour être comme elle. Pour connaître autant de choses, pour comprendre le monde, pour être engagée. Je ne sais pas bien expliquer la fascination que cette prof exerçait sur moi. Elle est sans doute à l'origine de mon intérêt pour la
politique et pour le monde comme il va...Merci...
J'ai eu M. Bajard en 3ème. Un professeur de lettres classiques qui, le premier, m'a fait découvrir de grands textes, m'a donné le goût de la littérature. Il était aussi mon prof de théâtre. Le club théâtre, entre midi et deux, le spectacle de fin d'année...Des étapes essentielles pour ma construction personnelle. J'étais timide, introvertie. Grâce à lui, je me suis affirmée. Et puis, longtemps après, il a été mon maître de stage. Je me souviens qu'il m'avait dit : "Ne fais pas ce métier." Il avait raison. Et tort...
J'ai eu Mme Falquet en 1èreL. Professeur de lettres. J'ai découvert Baudelaire, Flaubert, Rousseau, j'ai appris à lire un poème, avec elle...
"La rue assourdissante autour de moi, hurlait..." J'ai appris la beauté des mots, leur passion. Elle nous bousculait. Je pense que je ne lui pas laissé de souvenir. Cette classe de 1ère L, quel calvaire...Toutes ces blondes évaporées aux préoccupations tellement éloignées de la littérature...
J'ai eu Mlle Bauduin, à la fac. Une vieille prof comme on en faisait déjà plus depuis longtemps. Une professeur rigoureuse et amoureuse de la langue française. J'espère qu'elle ne lira pas ce blog, elle le trouverait tellement mal écrit...Mais elle m'a tant appris. Avec elle, en un an, j'ai fait mes humanités. Les autres étudiants la craignaient ou la détestaient. Je m'entendais plutôt bien avec elle...
M. Juillard était de la même génération. Il nous méprisait. Nous ne savions rien et il avait raison. Lui aussi m'a fait progresser à une vitesse folle, grâce à son intransigeance.
Enfin, toujours à la fac, j'ai eu M. Longuet. Lui, c'est autre chose. C'est un génie. Il parlait deux heures sans note, faisait des explications de textes magistrales, des lectures époustouflantes. C'est un séducteur. Il m'a fait aimer Louis-Ferdinand Céline...
Les professeurs sont parfois des modèles et j'ai encore bien des progrès à faire...
CC