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jeudi 7 août 2014

C'est pas autobiographique et c'est trop sombre, je vais pas le publier.

Tu t'es vue, là, devant ce petit bout dans sa poussette, tu t'es regardée : tu es ridicule, tu ne sais pas comment faire, tu es gauche et tu ne veux pas que ce soit dit. Tu ne sais pas ce qui est mieux, en plus : te tenir là, les bras ballants, un sourire idiot, mais faux, sur les lèvres ou bien surjouer le gâtisme avancé, multiplier les "Oh ! Comme il est mignon ! Oh ! Comme il est trop chou !".

Toi, avec ton utérus qui avance en âge et qui n'a toujours pas porté d'enfant, devant les enfants des autres, tu es prise de jalousie, d'une folie soudaine qui te pousserait presque à commettre des enlèvements, des hold-up à la maternité, des braquages à la banque du sperme.

Tu le sais maintenant qu'il faut te préparer psychologiquement quand tu vas voir une copine mère de famille. Des copines mères de famille, tu n'as presque plus que ça, d'ailleurs, à ton âge. Tu le sais bien que tu vas vivre des moments de malaise, que tu vas te sentir détachée, pas à ta place devant ce tableau charmant de la petite qui vient faire un bisou à sa maman. Tu le sais que tu vas te sentir mal devant ce petit attaché au sein de sa mère.

Tu le sais, mais c'est la vie, tu ne peux pas l'éviter. Alors ce n'est pas la peine de fondre en larmes, ça ne changera rien. Ce manque qui est là, au creux de ton ventre, il faut le taire. Il faut seulement faire attention, parce que ce qui te guette, pauvre vieille, c'est l'aigreur, la rancœur, la haine, même. Tu le sais et ça te fout déjà des rides.

Et puis, quand la raison revient, quand les hormones ferment leur gueule, tu sais bien les savourer tes nuits tranquilles, tes sorties au resto, tes économies de couches et de baby-sitter. Tu es la première à sourire intérieurement quand une copine arrive le matin, des cernes jusqu'au menton parce qu'il a fallu bercer la petite et éponger le vomi du dernier.

Es-tu vraiment une femme si tu n'es pas une mère ? Cette question, ce n'est pas toi qui te la pose, c'est la société toute entière qui te la balance à la gueule, en permanence...Les pubs, les émissions de télé, les magazines, ta mère...

Et puis, que transmets-tu ? Comment occupes-tu ta vie, si tu ne donnes à personne, si ce que tu construis n'est pas destiné à quelqu'un d'autre que toi ? Si tu te complais dans cet égoïsme...

Et pourtant, ce monde est suffisamment pourri pour qu'on n'ait pas envie de le refiler comme on refilerait une chaude-pisse...C'est ce que tu te dis quand tu n'as plus d'argument...Parce que le reste du temps, tu te dis qu'il serait sans doute agréable de faire découvrir ces magnifiques paysages que tu aimes tant, que ce serait un beau moment, que de faire goûter des cerises sur un arbre à un enfant, pour la première fois...Et lui lire des contes, le soir, lui interdire des livres, pour qu'il se lève la nuit pour les lire en cachette, regarder des vieux films ensemble...

Autant oublier...

mardi 8 juillet 2014

Ecrire en été

Des fois, en été, j'écris des petites nouvelles, comme ça, sans prétention, juste parce qu'une idée me traverse l'esprit ou que j'ai envie de laisser courir mes doigts sur le clavier. C'est agréable de laisser courir ses doigts.

Je ne suis pas encore assez reposée, je crois, pour écrire. Il me faut les longues après-midi de chaleur, quand on ne sort pas, de peur de prendre une insolation. Quand on était petit, on regardait le tour de France derrière les volets tirés. Il me faut une petite dose d'ennui, aussi, il me faut être au bord de la mélancolie pour avoir envie de me prendre pour une artiste...Le reste du temps, mon cerveau est occupé par les cours à créer et cela suffit à ma créativité. Je me contente de peu !

Cet été, je ne sais pas si j'écrirai des nouvelles ou si je commencerai un roman que je finirai jamais. Allez savoir. Parfois, il suffit d'une scène observée dans la rue, sur la plage, dans un magasin pour déclencher l'envie de raconter. L'aventure, quoi !

Pour les lire les anciens trucs que j'ai écrits, c'est là. (mais c'est pas obligé...)

CC


lundi 23 juin 2014

Fatigue de fin d'année

J'ai mes deux neurones qui se touchent. C'est peut-être la chaleur, mais j'ai l'impression que les fusibles fondent dans mon crâne et que ça fait des courts-circuits.

J'ai les agendas qui se croisent, les objectifs pédagogiques qui font des larsens avec les objectifs mairie.

Je n'ai toujours pas la réponse du rectorat pour savoir si j'ai une heure ou deux de moins sur mon emploi du temps l'année prochaine. Mes collègues élus l'ont eue. J'ai l'impression que l'Education Nationale va me faire faux-bond : il faut dire que la case "conseiller délégué" n'existe pas, au rectorat. J'ai dû faire faire une attestation par mon maire en plus d'une lettre de motivation...

Il n'empêche que j'attends les vacances avec beaucoup d'impatience. J'ai eu le dernier CA, ce soir. J'ai encore deux heures de préparation au brevet avec les 3èmes "2 de tension", demain matin, et puis on commencera les heures de garderie avec les autres, on surveillera le brevet et on tâchera de préparer la rentrée 2014 dans la joie, la bonne humeur et l'odeur de sueur, parce qu'un prof transpire aussi...

Le 4 juillet me semble si loin et les heures qui m'en séparent me semblent si longues...

Je hais les fins d'année...

dimanche 11 mai 2014

Marronniers

Comme chaque année, les marronniers sont en fleurs.
Ils tendent leurs belles grappes coniques vers l'azur,


Ces arbres pointent leurs fières fleurs comme des phallus vers le ciel...
C'en est presque érotique.

Comme chaque année, les marronniers sont en fleurs,
La presse tend ses faux scoops aux lecteurs immatures
Ces escrocs exhibent les francs-maçons, la crise et le péril arc-en-ciel,
C'en est presque émétique.


dimanche 6 avril 2014

Grâce aux blogs

Cette année, je n'ai pas fait mon traditionnel billet sur l'heure d'été. C'est bien dommage : voilà bientôt 10 ans que je le faisais chaque année...Alors avec une semaine de retard, voilà le fameux billet que personne n'attendait (plus) :

"C'est toujours trop court, d'habitude, un dimanche.
C'est toujours du temps qui fuit entre paresse et tendresse.
Quand on pense toucher à l'interminable de l'ennui, pourtant,
Le voilà qui vient déjà, le soir et son incertain lendemain...

Et voilà qu'en plus, au milieu de la nuit, des bureaucrates sont venus retirer soixante minutes de notre vie...

Depuis que je suis née, chaque année l'affaire est répétée si bien que déjà on m'a volé plus d'une journée de vie...Plus d'une journée..."

S'il est écrit en Courrier New, c'est parce que mon tout premier blog était en Courrier New. C'était joli, ça faisait un peu comme si je tapais mes billets sur une antique machine à écrire.

Voilà donc bientôt dix ans que j'écris sur des blogs, donc...

Il reste des traces, sur internet, bien sûr : le web n'oublie rien...

Mais j'avais effacé mon blog, contrainte et forcée par un chef qui avait réussi l'exploit de retrouver mon blog, malgré le pseudo...Il faut dire que j'aimais beaucoup poster des poèmes érotiques et que mon chef, bien que très intéressé (il m'avait avoué avoir fait beaucoup de copier-coller...) m'avait mise en garde...C'est vrai que les collégiens et leurs parents auraient pu ne pas comprendre...

Bref, il m'en est arrivé des histoires avec ces blogs : des rencontres, des opportunités, des collaborations avec des journaux, des joutes verbales avec des trolls pénibles...

Cela m'a permis aussi d'écrire ce que je n'arrivais pas à dire, de créer des liens avec des lecteurs complices, sur la toile et dans la vraie vie...

Je ne parle toujours presque pas de mes blogs dans la vraie vie, à part si la situation s'y prête vraiment. J'ai toujours cette fichue réserve, qui n'est pas vraiment de la timidité, mais sans doute un bien grand manque de confiance en moi...Je me soigne, doucement...

Grâce aux blogs...

CC

dimanche 12 janvier 2014

Rire

On ne sait plus vraiment quand, ni comment, ni pourquoi, mais tout le monde prit conscience quasiment en même temps d'un manque cruel : le manque de rire.

Moi, c'était un samedi matin alors que j'étais obligée d'aller faire des courses dans un supermarché. D'ordinaire, je m'organise toujours pour faire cette corvée en semaine, en pleine journée : il y a moins de monde. Là, évidemment, c'était bondé. Des vieux partout, comme s'ils n'avaient pas d'autres moments pour venir encombrer les caisses et gêner les jeunes qui bossent et qui n'ont pas le choix que de venir le week-end.

Ces vieux.

Dès le parking et sous la pluie, j'étais agacée, irritée, fulminante.

Et puis en rentrant dans le magasin, c'est un gamin, juché sur le caddie de sa mère qui m'a vrillé les oreilles. Il hurlait pour avoir je ne sais quel jeu vidéo. Sa mère ne disait rien, le regard vague, blasé, dépassé. Ces jeunes à qui on passe tout, à qui on donne tout et qui en veulent encore.

Ces jeunes.

Au milieu de ce qui ressemble à un enfer, soudain, la machinerie implacable de la feuille de salade sous la semelle mouillée : je glisse, me rattrape à un empilement de papier hygiénique qui s'écroule, m'offrant un matelas, certes douillet, mais un peu ridicule, tout de même. Mon caddie, lancé à pleine allure dans le mouvement désordonné de ma chute, va finir sa course contre la mère dépressive dont le fils, hurlant encore quelques millièmes de seconde plus tôt, part dans un grand rire. Un vrai grand rire : irrépressible, fou, sans explication précise. La mécanique plaquée sur du vivant.

C'est là, nichée dans le PQ, sous le regard hilare de cet enfant, bientôt rejoint par la moitié des clients du magasin, que je me rendis compte que je n'avais pas ri franchement, comme ça, depuis des semaines. Cette prise de conscience dura quelques secondes. Je me relevai, énervée, désolée, honteuse. Après le rageur "Non, je n'ai rien, vous en faites surtout pas, putain !", que je grinçai entre mes dents, je m'en fus, par politesse auprès de la pauvre femme au foyer désespérée pour m'assurer qu'elle allait bien et pour m'excuser. Son fils de 7 ans s'était remis à hurler pour se faire offrir GTA. La mère me regarda, ses yeux pâles et cernés n'exprimant rien et glissa, fielleuse : "Pourriez faire gaffe, putain !" et fila au rayon PS3 pour calmer son fils.

Je n'avais rien, mais j'étais encore plus furax qu'en entrant dans le magasin.

Pourtant je venais de rencontrer le "vrai rire", celui qui vous secoue le plexus. Et j'avais pris conscience qu'il n'existait presque plus dans notre vie, depuis quelques temps. Pourtant, la télé regorgeait d'humoristes, de séries comiques, de sketchs, de billets d'humeurs, d'émissions de gags...Internet nous abreuvait de "lol", de "mdr" et de "ptdr". Les "lolcats" faisaient le plein de "vues" sur youtube, des millions de vues, pour ces petites vidéos de chats. Amusant. Mais était-ce vraiment marrant ?

C'était comme si l'on cherchait à tout prix à rire, à éprouver à nouveau cette sensation de bonde qui lâche, là, juste au creux de l'estomac. Comme ce grand rire d'enfant, dans le magasin. On cherchait sans trouver.

A la télé, en fait, le rire n'était pas autre chose que le sarcasme, le cynisme, le grincement. Sur internet, c'était dans le meilleur des cas, le sourire et la moquerie.

Il fallait du ridicule et de la victime.

On lisait pourtant partout des articles vantant les bienfaits du rire : le rire bon à la santé, contre l'hypertension, contre les rides, contre les cors au pied...Il fallait rire au moins 15 minutes par jour, il fallait rire dans son couple, il fallait rire contre le stress. Mais personne ne savait plus à quand remontait son dernier éclat de rire.

Nous étions passé à l'ère du non-rire. Cette prise de conscience personnelle coïncida avec celle de beaucoup de monde. On s'en rendit compte quelques temps plus tard. Sous la surveillance de neuro-psychologues, de sociologues, de spécialistes de Bergson, on se mit à faire des relevés : quand avez-vous vraiment rit la dernière fois ? Quand avez-vous vu quelqu'un rire vraiment pour la dernière fois ? Ce rire dura-t-il ? Combien de temps ?...

Le bilan était sans appel : catastrophique. Les humoristes ironisaient sur le sujet, mais cela ne faisait rire personne, bien sûr. Les humoristes ne faisaient plus rire personne depuis très longtemps d'ailleurs. Même les enfants des écoles disaient des choses comme "Kev' Adam ? ça saoule, Kev' Adam !" et se remettaient à jouer à GTA.

Petit à petit, on découvrit l'étendue des dégâts : les spécialistes des muscles faciaux avaient constaté l'atrophie des zygomatiques, les producteurs des films tels que Dany Boom se désespéraient tout en faisant valoir leurs derniers succès - remontant souvent au tout début des années 2000 et même, de bien avant - comme étant des chefs d’œuvres, des monuments historiques du rire, ceux d'avant la crise, ceux d'avant que les hommes désapprennent le fou rire. Les chaînes de télé ne faisaient plus recette en rediffusant Le Corniaud ou La Soupe aux choux qui étaient pourtant des valeurs sûres depuis des dizaines d'années.

C'est alors qu'un matin triste de novembre, tous les éditorialistes - de l'Huma au Figaro, en passant par ceux des radios périphériques et des télés d'info en continu - se mirent à dire, en coeur que "Puisque le rire est le propre de l'homme, comme disait Rabelais, alors, l'homme n'est plus."

Cette connerie nous fit bien rire. Heureusement qu'il restait les éditorialistes.

CC