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dimanche 18 avril 2021

Le temps qu'il fait, le temps qui passe, les temps qui viennent...


S’il fallait que j’écrive, comme l’année dernière, chaque jour sur le confinement, je crois que je n’y arriverais pas. Il y a un an, il faisait beau. Il y a un an pile, je publiais une photo de glycine en fleurs, prise lors de la promenade quotidienne d’une heure qui nous était permise. Le printemps était beaucoup plus avancé qu’aujourd’hui. Il avait fait chaud depuis le début du confinement…J’avais même écrit dans les pages virtuelles de mon journal extime, les quelques mots que j’écris chaque année quand les marronniers sont en fleurs. Cette année, nous sommes toujours en hiver et les arbres ne laissent même pas pointer leurs feuilles. 

Hormis ces quelques considérations météorologiques, il y a un an, nous étions dans l’incertitude et dans la peur. Nous ne savions pas combien de temps durerait ce drôle de moment. Nous commencions à voir autour de nous beaucoup de gens malades et quelques morts. Je n’avais pas vu mes élèves depuis plus d’un mois. Ils me manquaient et j’avais l’impression de mal faire mon métier. Chaque jour, ici même, je crois que je cherchais un sens à tout cela. Je n’ai pas trouvé. C’est juste la vie et son lot de galères. 

Depuis, nous n’avons pas retrouvé une situation parfaitement normale. Et cela commence à être très long. Depuis, j’ai repris les cours de manière étrange, avec des élèves qui n’étaient pas les “miens”, en mai, puis avec des 6e dont je n’ai jamais vu le visage, en septembre. La vie a semblé continuer, tant bien que mal, toujours avec une inquiétude sourde, en arrière-plan, toujours présente, toujours menaçante : la mort qui rôde, le chiffre symbolique des 100 000 morts qui vient d’être franchi. Un coup au cœur à chaque fois que l’on apprend qu’un proche a choppé ce fichu virus. La peur pour ma mère si fragile. On tente de faire avec, parce que la vie continue. En mode dégradé. Le masque est devenu une seconde peau. Faire les magasins est une corvée, un danger, faire du shopping, quand c'est autorisé, un moment étrange et peu agréable. Plus de cinéma, plus de concert, d'expo, de théâtre, plus de restaurants. Les plats à emporter, ces grands pourvoyeurs d’emballages surchargeant nos poubelles, des plaisirs médiocres, pour lesquels il faut faire la vaisselle. Pour les vacances de Noël, nous devions voyager avec des amis, nous avons annulé. La dernière fois que je suis allée voir ma mère, j’ai fait faire une attestation à son médecin, comme si j’étais une clandestine sur les routes de France. Si j’invite des amis à la maison - le midi, forcément le midi- , j’ai là aussi la sensation de frauder, d’être hors-la-loi. Tout ne tourne toujours qu’autour du COVID et son lot de conséquences, autour des variants, de l’efficacité ou non des vaccins. Le monde bruisse du virus. C’est pesant. Ce n’est pas insupportable. C’est juste lancinant. 

Pour l’instant, je crois que personne n’a encore pris la mesure totale de cette coupure de plus d’un an dans nos vies. Ce sera, à l’échelle de nos existences, un choc, une plaie, un traumatisme. Un peu comme une période de guerre. Les affaires humaines continuent, comme durant la guerre. Nous aimons, nous travaillons, nous élevons les enfants, nous vivons. Nous administrons les affaires courantes. 

Il y aura des élections, en juin. Comment réagira-t-on, dans ce contexte tellement anxiogène, avec toutes les théories complotistes qui circulent, avec la défiance qui s’est installée envers le pouvoir politique, envers les incertitudes et les atermoiements du pouvoir en place ? L’abstention, le désintérêt pour le politique ou la réaction, la tentation du pire, le vote comme acte libératoire, expiatoire ? Si tout a changé, si la vision du monde a changé pour chacun d'entre nous, le pouvoir politique doit en tenir compte. La crise a mis en avant quelques faits essentiels : nous n’avons jamais eu tant besoin de proximité, d’aide, de faire société, de protéger le bien commun, d'œuvrer pour l’intérêt général, pour des services publics efficaces et forts. Facebook, facétieux, m’a mis sous le nez ce matin, une des promesses de Benoît Hamon en 2017. Il militait pour des services publics de proximité, pour tous. Après les gilets jaunes, après les malheurs de l’hôpital public qui sont enfin apparus au grand jour après des années de grève “pour rien” des personnels de santé, qui peut nier que c’est ce dont nous avons besoin ? Je me souviens aussi d’une des promesses de Hamon, dont on s'était beaucoup moqué : le revenu universel...Quel est le bénéficiaire du chômage partiel qui pourrait nier aujourd’hui la pertinence de cette idée ? Les milliards de dollars que Biden injecte dans l’économie américaine me semblent de bon aloi. La politique libérale et les suppressions de lits dans les hôpitaux que Macron permet encore après la crise sanitaire que nous venons de vivre me semblent de très mauvais augure. 

Vivement que les marronniers fleurissent.

1 commentaire:

Laurent a dit…

C'est dur d'être optimiste par les temps qui courent, de voir les liens qui unissent bon an mal an la société se casser et garder espoir. Les marronniers ont dû fleurir depuis la publication de ton billet :-) Ici, à Marseille, j'en ai vus quelques uns en fleur et c'est magnifique.