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vendredi 18 avril 2025

Maladies mentales : vite, la fin du tabou



J’ai entendu, l’autre matin, Nicolas Demorand nous déclarer “Je suis un malade mental”. Et derrière ma radio, devant mon bol de café au lait, je l’ai remercié pour ces mots. 

 Je l’ai remercié de dire cela comme on dit parfois “j’ai une gastro qui me cloue sur les toilettes”. La réaction, en général, quand on dit cela, ou quand on déclare qu’on a une crève d’enfer et de la fièvre, c’est “bon rétablissement, prends soin de toi, je te conseille du miel avec du thym…” des choses gentilles et bienveillantes. On prend des nouvelles de vous, on vous envoie un petit message. 

On n’a pas peur. Pourtant dieu sait que la gastro et la grippe sont contagieuses. 

Quand on déclare “je suis un malade mental” ou bien “j’ai un trouble bipolaire, j’ai des symptômes de schizophrénie” ou encore, plus couramment “je traverse une période de grosse déprime”, non seulement, on fout la trouille, mais on fait un peu le vide autour de soi. 

C’est étrange. Ce n’est pas contagieux. Mais cela fait peur. 

C’est une réaction qui ressemble à une intuition fausse : il faut laisser tranquille la personne qui traverse une dépression. Il faut la laisser seule. C’est idiot parce que cela isole, cela pousse à ruminer des idées noires. Cela ne favorise pas une vision positive et optimiste de la vie. 

C’est un peu comme cette idée saugrenue des médecins : celle de donner des médocs, des antidépresseurs, des anxiolytiques et des somnifères. Le parfait petit kit de l’apprenti suicidaire. On ne pourrait pas faire plus dangereux. Quel médecin donnerait des clopes et du pinard à un gars souffrant d’un cancer ? 

Lisez le récit de Demorand : Intérieur Nuit. C’est court, mais cela pose quelques questions essentielles. Celle de la honte d’être un malade mental, celle de la mauvaise prise en charge des médecins généralistes et même de pas mal de psy/chanalyste/chiatre. 

Le déclic a eu lieu, pour lui, quand sur France Inter, une matinée spéciale a été programmée. Elle s’intitulait “La maladie mentale, la fin d’un tabou”. 

Ma prise de conscience est récente, mais coïncide avec cette dépression que je traverse. Mis à part quelques amis concernés de près par le problème, traversant ou ayant traversé des épisodes dépressifs, personne ne semble vraiment enclin à comprendre de quoi il s’agit. On entend des remarques qui blessent ou qui enfoncent encore plus, ou qui, au mieux, ne servent à rien. 

“Mais tu as tout pour être heureuse”... “Je n’aurais pas cru ça de toi”...“Repose-toi, sors, va faire un tour, prends l’air…” 

Cela part d’un bon sentiment. Mais quand le cerveau répète en boucle le contraire, c’est contre productif, c’est inutile, ou pire, c’est culpabilisant. Comment ne pas culpabiliser, quand on te dit que tu as tout pour être heureuse et que tu ne l’es pas. C’est vrai : j’ai une femme formidable, un job, des passions, des amis, je voyage, j’écris…Et malgré tout, je pense à la mort. C’est du gâchis, c’est mal, de penser cela. Et plus on y pense, moins on va bien. 

Le seul moyen de s’en sortir, c’est de considérer cette maladie comme une maladie : en traiter les symptômes, en connaître mieux les causes et les ressorts, la prévenir et tenter de la guérir, pour sortir de la souffrance. 

Car comme une maladie, cela fatigue, cela fait souffrir physiquement. Comme quand on a une gastro, on est mal, on a une seule envie, rester au fond de son lit. On est épuisé, lessivé, on a des douleurs qu’on ne maîtrise pas et que l’on ignorait, des courbatures, des contractures. 

Le seul moyen de s’en sortir, c’est aussi de ne pas céder, autant que possible à la routine. Hormis quelques jours, au mois de novembre, j’ai décidé de ne pas prendre d’arrêt. Comme Demorand l’explique, lorsqu’il passe trois heures à la radio, concentré, motivé par les auditeurs, par les invités qu’il interviewe, par l’équipe qui travaille avec lui, il passe trois heures sans la maladie. C’est identique pour moi : quand je suis devant les élèves, je retrouve l’énergie et je cesse de ruminer. Ce n’est plus le cas à la mairie, malheureusement. Peut-être parce que j’ai eu le malheur d’exprimer mon mal être et que cela a fait peur et a poussé certains à m’isoler. 

C’est là qu’il faut absolument que les choses évoluent. Dans la perception que les autres ont de ce qui est une simple maladie. 

On n’est plus au temps où le SIDA était une maladie honteuse et où ces malades mouraient seuls. Il est nécessaire que nous sortions du tabou et de la honte pour les maladies mentales.

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