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samedi 2 août 2025

Suite de la nouvelle qui n'a pas de titre...


La nuit n'était pas encore tombée. En juillet, le ciel se teinte longtemps de pourpre et de dorure avant de s'assombrir complétement. 

Je devais trouver un carré d'herbe pour que mon chien fasse ses besoins. Toute la place étant occupée par ces gens mutiques et statiques, j'ai contourné le bâtiment, pensant que le parking serait libre. Je me trompais. Là aussi, des êtres humains étaient là, debout, assis, accroupis. Partout. 

Il me semblait invraisemblable que la police ne soit pas déjà intervenue : c'était un rassemblement sauvage, c'était flippant, c'était...

Mon chien ne trouvait nulle part où se soulager et je commençais à paniquer sérieusement. 

La seule chose à faire, c'était de s'éloigner encore. Mais je n'en croyais pas mes yeux : plus j'avançais, plus les rues étaient noires de monde. Des vieux, des jeunes, des hommes et des femmes, avec des enfants, de toutes origines, de toutes conditions. Des scènes incroyables : un type dans la cinquantaine bien avancé, veste de costume en tweed, belles chaussures, qui s'appuyait nonchalamment sur le capot de sa Porsche, tout à côté d'un jeune à casquette, en survêtement Lacoste, qui faisait calmement les cent pas, casque sur les oreilles, perdu dans je ne sais quelle musique...

Je ne peux pas décrire tout ce que je vis ce jour-là. C'était la société, en résumé. Mais une société calme, paisible, sans l'agressivité qui se manifeste souvent quand on cohabite en ville. 

Il y avait une raison à leur présence. Mais ces individus semblaient si inexpressifs qu'il ne me serait même pas venu à l'idée de leur parler. C'est peut-être un tort. Mais en me déplaçant avec mon chien, seule en mouvement parmi tous ces êtres à l'arrêt, j'avais l'impression de traverser le décor figé d'un tournage de cinéma, juste avant que le metteur en scène ne crie "Action !"

Je me dis que c'était peut-être cela : le tournage d'un film ? A moins que ces gens n'aient été averti...Je ne sais pas...d'une promotion immanquable dans un magasin, la distribution à moitié prix d'une console de jeu...Ou de Nutella, on avait déjà vu des émeutes pour cela...Ou de la venue surprise d'une star. Allez savoir : un rassemblement, un rendez-vous lancé par les réseaux sociaux, la promesse qu'un milliardaire allait distribuer des billets de banque. Et les gens attendaient patiemment ce miracle, campés, pour certains, depuis le matin, sur leurs deux jambes. 

J'atteignais bientôt l'autre bout de la ville et il y avait toujours autant de monde. Le chien avait fait pipi sur quelques réverbères, mais je sentais bien qu'il ne trouvait pas son bonheur pour faire caca : chaque morceaux de pelouse, chaque carré de terre, chaque bout de cour ou de graviers était occupé. Je suivais mon chien qui m'entraînait toujours plus loin. 

Nous étions désormais aux confins de la ville : au-delà des zones commerciales qui la cernaient, bien après les derniers immeubles des quartiers périphériques. Avec mon petit chien, en général, pour ménager ses petites pattes, nous ne faisions que de tout petits tours dans le quartiers. Jamais nous étions allés si loin. 

Mais là encore, des gens stagnaient, debout, assis, en grappe, partout. Nous approchions de la frontière de la cité et mon chien n'avait toujours pas assouvi ses besoins les plus élémentaires. Il me lançait des regards désespérés. Il ne comprenait, en plus, pourquoi tout ces humains ne tendaient pas leurs mains vers lui, comme d'habitude en disant "Mais qu'il est mignon..."

Je ne comprenais rien non plus : pourquoi personne ne parlait ? Il fallait que je m'enhardisse, que je me renseigne, que j'ose briser ce silence étouffant. Je me rendis compte à cet instant qu'on n'entendait même pas les cris des moineaux dans la douceur du soir qui tombait. Pas de moustique, pas de pigeon, pas une corneille ou un faucon. Je traversais un cauchemar.

 (La suite demain) 

 

 

 

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