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mercredi 17 octobre 2012

Lesbianité

Souvent, je me pose des questions idiotes et parfois même, j'y réponds, pour moi-même via un billet de blog.

Je me demande par exemple comme je vis ma lesbianité. Aussitôt, le correcteur orthographique m'indique que ce mot n'existe pas. Tant pis.

Je me demande donc comment je perçois ce drôle de truc qui m'a été fourni avec le reste, clés en main, en plus de la cloison nasale un peu de travers, d'une légère cyphose et d'une tignasse frisée et touffue. Je ne sais pas comment j'ai "découvert" ma lesbianité. A vrai dire, je crois que "découvert" n'est pas le mot, d'où les guillemets. Je ne me suis jamais dit, au coin d'un détour de ma vie "Mais bon sang, mais c'est bien sûr, je suis lesbienne !" Jamais. A la rigueur de la limite, il se peut qu'un jour, je me sois dit "Mais bon sang, mais c'est bien sûr, pas la peine d'insister, jamais Robert me fera autant d'effet que Ginette..."

Mais en fait, même pas. C'est plutôt quand on m'a dit que les petites filles ne devaient pas faire des bisous et des câlins aux autres petites filles que je fus fort surprise. L'idée ne m'avait pas effleurée, tant il me semblait normal de mettre les carottes avec les carottes et les...euh...bref...Les filles avec les filles, les gars avec les gars et le monde sera bien rangé. Parfois, je me demande si je ne suis pas juste psychorigide, façon Monk.

Question identité, j'oscille entre plusieurs modèles que les sites spécialisés ont l'habitude de nommer "butch", "fem", "lesbienne invisible". Entre autres. C'est la perception que j'ai de moi-même : cela dépend de l'heure de la journée, du jean que je porte, de la façon dont mes cheveux se rassemblent en chignon, ou pas. Bref, cela n'est pas totalement conscient, mais il me semble que je ne sais pas où je navigue. Peut-être bien que le problème ne vient pas de moi, mais de ces sites internet spécialisés qui veulent tout expliquer et mettre dans des cases. Les choses étaient peut-être bien plus simples, il y a 50 ans, quand le mot "lesbienne" n'existait même pas pour la plupart des gens. Enfin, je me comprends...Aujourd'hui, nous avons des problèmes de riches.

Depuis l'adolescence, je cherche des référents, tout de même. Dans les médias, dans la chanson. Histoire de me dire que je ne suis pas un extra-terrestre. Je cherche autour de moi, aussi. Dans mon village, pas beaucoup de modèle. Un seul, en fait. Pas de moquerie, mais de la souffrance, il me semble. Quelqu'un dont on ne parle pas, mais qui m'inspire de l'admiration. Plus tard, on me comparera vaguement à elle, faute d'autres référents, probablement. Il n'empêche que ça ne me déplait pas : il fallait un sacré courage pour affirmer sa lesbianité dans un petit village, dans les années 60, 70.

Ensuite, à la télé, à la radio, quelques chanteuses féministes ou développant un charisme particulier, activant mon "gaydar". Mon radar gay. Encore une expression de site spécialisé. Donc, Anne Sylvestre, pour commencer : j'ai tanné ma mère pour qu'elle m'achète une cassette d'Anne Sylvestre, à 7 ou 8 ans. Si c'est pas un signe de folie avancée, ça...Et puis Barbara, Joan Baez, Juliette...Mais pour moi, bien sûr, la plus belle gouine à mèche du monde, c'est Elvis Presley, jeune. Je suis irrécupérable, avant même l'adolescence.

Et puis il y a eu The L Word. Une série entièrement consacrée aux lesbiennes. Cela change la vie de millions de lesbiennes à travers le monde. Notamment à cause de ça :

Shane. Une sorte de butchette, ni trop féminine, ni trop masculine. Butch, ça veut dire "camionneuse". Là, c'est plutôt une camionnette. Et la coolitude absolue. C'est décomplexant et c'est important quand on est une lesbienne de campagne.

Aujourd'hui, j'ai grandi et je ne sais pas tellement me ranger dans des cases et ce n'est pas tellement grave.

Par contre, ce qui m'intéresse, c'est la façon dont les autres voient ma lesbianité. Égocentrisme normal pour une tenancière de blog. Est-ce qu'on me voit comme sur la photo ? Oh ! J'aimerais bien ! Sans doute, la plupart du temps, on ne me voit pas : lesbienne invisible. Mais est-ce que j'allume le gaydar de quelques unes ?

Que de questions sans réponse...

CC


8 commentaires:

Miss Alfie a dit…

Difficile de te classer, comme difficile de classer de classer toutes ces femmes lesbiennes que je connais. J'avoue ne même pas avoir envie de vous classer.
Par contre, "The L Word", mythique ! Découvert avec ma meilleure amie et ma cousine sur Rennes, j'étais bien entourée !!!...

Elodie Jauneau a dit…

Comme toi, je n'aime guère les cases et les catégories.
Par contre, ce billet, je le classe: parmi les meilleurs du moment sur cette question (au sens large la question ;-)

Cycee a dit…

Oui, on est toujours plus compliquées que les tests des journaux féminins !
(et pour "The L Word", ne dis pas ça à ton mec, ça va le faire fantasmer ! :)))
Bises

Cycee a dit…

Venant d'une thésarde sur le genre...whaou, quoi ! :)
Merci ! Mais ce n'est que ma petite histoire personnelle...

Elodie Jauneau a dit…

Et bien les petites histoires personnelles ont parfois plus de valeur que les grandes théories et théorisations!

Cycee a dit…

"Je" est universel ! :)

Anonyme a dit…

Pour moi il n'y a pas à te "classer" tu es qui tu es, avec ta vie de couple, avec des joies et des peines, des envies, des désirs sexuels et autres... comme j'en ai moi dans mon couple hétéro... sauf que moi on ne cherche pas à me classer? pourquoi donc on chercherait à te classer sous prétexte que tu es lesbienne? (Bon du coup mon juju est en train d'essayer de me classer!!!) C'est même dommage, la faute à tous ces sites certainement ou à notre société qui cherche à mettre dans des cases tout ce qui bouge, tout ce qui vit et pense. Et puis c'est peut-être aussi parce que ça intrigue le plouc de base de savoir comment ça se passe dans la vie sexuelle des autres... elles font comment pour s'éclater les filles entre elles? On pourrait se demander aussi, et ça serait justifié: ils font comment dans un couple hétéro pour s'éclater entre eux parce que même si c'est soit-disant la "nature", tout ne coule pas toujours de source! Alors t'inquiète pas CC... t'es pas une extra-terrestre mais bien qn de normal, c'est notre société quo n'est pas toujours normale et exclue à tour de bras. Et pis t'est pas si invisible que ça. Car même si certains parlent de cul haut et fort ça ne veut pas dire qu'ils se révèlent intimement... à quel moment as-tu déjà entendu parler des hétéros entre eux, sincèrement, de leur vie sexuelle, de leurs choix de couples, de leurs attirances et répulsions... alors pourquoi pq'on est pas hétéro on devrait avoir à parler de tout ça pour se rendre visibles?

Cycee a dit…

Comme déjà répondu en direct, hier soir, mon article porte plus sur les référents lesbiens qu'on peut trouver dans la société, pour s'identifier...je sais aujourd'hui que je ne suis pas une extra terrestre, mais ça n'a pas toujours été une évidence...

Et c'est autour de cela que les questions se posent : doit-on affirmer une identité lesbienne, rentrer dans des cases, être moins invisibles, histoire de créer des référents ? Pour les ado, par exemple, c'est un drame, le manque de référents : c'est parmi les homosexuels qu'il y a le plus de suicides à l'adolescence.

C'est pour cela que le concept de lesbienne invisible est à la fois un bien, pour protéger sa vie privée, mais aussi un mal car ça empêche la reconnaissance sociale, ça nie l'existence de cette possibilité. C'est vrai, deux femmes à la terrasse d'un café, ce sont deux copines, deux filles qui font du shopping, ça peut être deux sœurs, etc.

C'est pour cela que la question : "Est-ce qu'on peut me reconnaître en temps que lesbienne ?" me semble importante...

C'est la limite entre vivre sa vie et militer, je pense.

Bref, ce sont de grandes questions !

(Je crois qu'on peut me mettre dans la case intello prise de tête...)

En parlant de cases, les sites sont caricaturaux, on est bien d'accord, mais je crois qu'à l'adolescence, il est bon d'avoir de fortes représentations auxquelles s'identifier : cela permet de s'affirmer, pour ensuite dépasser ces notions tranchées. Savoir qu'il existe des gens comme soi, vivant sans complexe, même dans l'outrance, cela permet de trouver sa propre place...

Complexe...

:)