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dimanche 22 mars 2020

Journal de guerre contre un virus #5

Je n’ai pas de fièvre.

Hier soir, nous avons fait un apéro skype avec la soeur d’Amandine et son mari. Ils sont en Normandie. La région est peu touchée, pour l’instant. Les gens sont confinés bien sûr, mais Noémie nous racontait que les supermarchés étaient bondés comme si l’on était la veille de Noël et que personne ne faisait attention.

L’apéro skype, c’est un concept que je vous conseille. Nous avons passé une heure à papoter et c’était bon de voir des visages amis, après une journée de confinement.

Combien de temps encore avant que cette situation nous paraisse normale ? Pour que nous reprenions nos préoccupations d’avant, pour que nous cessions de ne parler que de cela ? A mon avis, cela viendra très vite. Nous sommes résilients. Nous avons une résistance au choc qu’on ne soupçonne pas, on a la mémoire de forme d’un matelas de chez IKEA. Vous avez vu combien l’humour a tout de suite pris le pas sur l’angoisse ? Des caricatures, des vidéos, des punchlines, à n’en plus finir. De bon goût ou pas...Peut-être que dans trois jours (ou même avant) on n’en pourra plus des gags à base de papier toilette, de coiffeurs fermés, de chien à promener et de kilos en trop qu’on va prendre, inévitablement, durant ce confinement. En attendant, cela prouve qu’on ne sombre pas dans un défaitisme total.

Il y a eu un peu de soleil cet après-midi. J’ai joué de la guitare dehors. D’habitude, quand je joue sur le balcon, avec le bruit de la circulation, le bruit de la vie, personne ne m’entend. Là, j’ai eu quelques voisins pour auditeurs. Surprenant ! Le silence est un peu angoissant pour moi et ce dimanche, il n’y avait quasiment pas de circulation du tout. C’était flippant. Comme dans ces films de cow-boy, le village abandonné dans lequel seule un amas de poussière et de broussailles vole entre les portes battantes d’un saloon désert et la carriole abandonnée d’un chercheur d’or mort de faim.

Là, ce sont les sacs plastiques, restes de la civilisation de consommation, qui s’amusent avec le vent. 

Et quelques promeneurs de chien dont on se réjouit quand ils se croisent : cela provoque une petite scène de rue admirable, souvenir d’antan, entre Doisneau et Tati. Deux chiens se cherchant des noises, cela fait notre après-midi. Avec les scintillements du Doubs dans le soleil, sous la bise fraîche et les verts tendres du printemps qui poétisent le paysage vide d’humain.

Aujourd’hui, mon père aurait eu 72 ans. Pas un jour ne passe sans que je ne pense à lui, à ce qu’il aurait fait à ma place, dans telle ou telle situation. Qu’aurait-il dit, dans la situation actuelle ? C’était un éternel optimiste. Il aurait sans doute été solidaire...Peut-être aurait-il organisé des réseaux de producteurs pour permettre aux agriculteurs de continuer de travailler et aux citadins de se ravitailler en produits frais ?

Ce matin, nous avons écrit, avec la cellule de crise de la mairie, un communiqué de presse pour expliquer tout ce que nous avons fait depuis le début de cette semaine. Il me semble que cette crise a duré déjà plusieurs mois et qu’elle n’a duré que deux jours. Le temps semble m’échapper.

Et pour vous ?

5 commentaires:

Nicolas Jégou a dit…

Mon père est mort il y a 28 ans et j'y pense tous les jours...

Pour le reste, on en rigole. Parfois un coup de bourdon...

Je confirme que tes commentaires sont merdiques (par rapport à la réponse que tu nous as faites à un autre billet).

Cycee a dit…

Oui, je ne comprends rien à ces commentaires. J'ai été obligée de passer en mode pas imbriqué. C'est moche.

Oui, l'important, c'est de rigoler...Mon père aurait dit ça aussi.

Je t'embrasse, Nicolas, prends soin de toi.

Elodie Jauneau a dit…

J’ai la même sensation.
Je sais plus quand, je racontais un truc dans mon blog et j’évoquais un truc qui m’est arrivé deux jours avant. Je me suis trompée et dans la durée et dans la date.
Heureusement que Nico suivait, c’est lui qui me l’a dit.
J’ai donc un titre de billet avec écrit « épisode 5 » et une URL avec le chiffre 6 dedans.
Bref....
Des bises et continue la guitare hein !!!
Mon beau frère en joue sur son balcon et en face, son voisin a branché son ampli et il chante.

t0pol a dit…

Je viens d'entendre un voisin tousser fort, vraiment fort; dans le couloir de monHLM en temps ordinaire je m'en serai foutu, là je suis sorti prendre de ses nouvelles: je viens de découvrir qu'il est asthmatique comme moi. Il m'a dit de faire très attention (ce que je fais).

On a encore 6 semaines de confinement : la situation presque normale reviendra ensuite, mais le risque existe qu'une épidemie de ce type reviennene ensuite à l'automne/hiver. Si ça ne revient pas assez vite alors je crains que nous devrons prendre des mesures terribles en terme de libertés individuelles (cf la corée, la suisse, hong-kong..).

L'autre jour ça m'a fait tout drole de courir sur un boulevard parisien sans voitures. Quelque chose de jouissif et en même temps de très déconcertant.

On ne doit pas laisser le temps s'échapper : gardez vos blogs, laissez des journaux pour qu'on se souvienne dans 3 mois lors d'apéro-IRL : ça va bien revenir.

Cycee a dit…

Prends soin de toi, Ronald. Protège toi !
Et vivement les apéros IRL. On est des êtres sociaux, on a besoin de chaleur humaine...
Bisous prophylactiques !