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mardi 9 décembre 2025

Il n'y a rien - Épisode 20



 Ces visions esthétiques me ragaillardissent. Je me sens soudain la volonté et le pouvoir de me mouvoir. Je m’assois, je frotte mes cuisses, comme pour raviver mes muscles endormis. Je ramène mes jambes contre moi. Je veux tenter de me lever. Je ne sais plus comment m’y prendre, je pèse des tonnes et je suis raide. Raide comme ce sol plastique, comme la situation qui m'accable.

 Je me décide à tenter de demander quelque chose. « Heu…Bonjour…Bonsoir…Je ne sais pas…Quelle heure est-il ? Quel jour est-on ? » 

 Une voix d’homme, synthétique, mais chaleureuse me répond : 

« Bonjour. Il est 9h07. Nous sommes le 9 décembre 2089. » 

 Je suis stupéfaite. Comment est-ce possible ? Cela fait donc 20 ans que je suis là ? La voix répond à mes interrogations. « Oui, vous avez été conservée. C’est un processus qui touchait toutes les personnes de 70 ans et plus, il y a 20 ans. Nous avions besoin de vous et nous vous remercions pour votre collaboration. »

 Je ne comprends pas. Je n’ai pas senti ce temps passer, je n’ai pas eu l’impression de passer plus d’une vingtaine de jours ici. A quoi cela sert-il ? A quoi ai-je été utile ? 

 La voix reprend : « Vous pourrez poser des questions, désormais. Mais avant cela, il faut que nous vous rendormions encore. Il y a encore des couleurs à allumer. Merci. Et bonne nuit. » 

 Je ne peux pas lutter. Je comprends désormais que je n’ai jamais eu mon libre arbitre. Je n’ai plus qu’à implorer, qu’à prier. « Ne me soumet pas à la tentation et délivre-moi du mal… » 

 J’ai été endormie en 2069. Les vaines tentatives écolo avaient échoué près de 20 ans auparavant. Les choses avaient empiré et les hommes avaient sombré dans l’individualisme sauvage. Les régimes autoritaires s’étaient installés, injustes, créant des inégalités telles qu’on n’aurait même pas pu les imaginer. 

 L’iA gérait déjà tout et l’intelligence humaine déclinait. En quoi avais-je pu être "utile" ? 

 Je sombre dans un sommeil implacable et un rêve m’est imposé.

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