Un petit comité s'était donné rendez-vous pour être à 9h pétantes devant la mairie. Nous n'avions pas de rendez-vous, mais nous ferions le forcing, quoi qu'il se passe.
Les tenants de la municipalité n'étaient pas des amis.
En 2026, une campagne agressive sur le thème de la sécurité et sur les économies drastiques à faire sur les services publics. Quelques événements tragiques en janvier, à quelques mois des élections firent monter la pression : un SDF avait poignardé un commerçant et quelques faits divers liés aux trafics de drogue avaient émaillés l'hiver, montés en épingle par une presse avide de polémiques.
L'extrême droite en avait évidemment profité pour fustiger le laxisme de la gauche, pour faire valoir ses idées de rejet et de haine de l'autre. Les coupables étaient toujours les mêmes : les assistés, les profiteurs, ceux qui prenaient l'argent des bons Français et mettaient le bazar partout.
Une conjoncture nationale et internationale favorable à ces idées, une multiplication de listes électorales divisant les voix des plus modérés et à 2 ou 3 pourcents près, le RN passa au second tour. Ce fut une déception sans précédent pour une ville historiquement de gauche depuis la fin de la 2e guerre mondiale.
Durant la première année de mandat, les nouveaux élus n'avaient pas fait de miracle, découvrant qu'on ne fait pas vraiment ce qu'on veut avec la sécurité. Cependant, des choix politiques radicalement différents des précédents furent fait : la suppression de beaucoup de services du centre communal d'actions sociales, notamment, permirent beaucoup d'économie. Le service culturel fut quasiment complètement sacrifié : plus de festival de musique du monde, plus de manifestation prônant l'agriculture locale et biologique, plus de musée, une médiathèque à l'agonie. Là encore, les caisses se remplirent. Mais on ne voyait pas bien à quoi cela servait de supprimer pour supprimer.
On a compris quand la ville fut rachetée : l'iA allait remplacer le centre de santé, les actions sociales et la culture. Quand tu as Sardou pour meilleur copain, pas besoin de festival !
Mais les conséquences étaient telles qu'il faudrait maintenant rendre des comptes à la population. Et nous étions là pour ça.
Dès que les portes s'ouvrirent, nous nous adressâmes à l'accueil, en exigeant de voir madame le maire. On nous rétorqua que l'on n'avait pas rendez-vous. Nous sortîmes donc les banderoles, les cornes de brumes et les fumigènes. Quelques supporters du FCSM nous avaient fourni tout ça.
Grâce à ce tapage, plusieurs élus déboulèrent dans le hall. Ils nous reçurent. Froidement. Sans même nous regarder dans les yeux. Nous étions là pour leur reprocher d'avoir vendu la ville que nous leur avions confié par les urnes à une multinationale. Pour les mettre devant leurs responsabilités.
Ils bredouillèrent que l'iA était l'avenir, qu'il fallait se rendre compte de notre chance. Ils n'y croyaient pas, mais ils récitèrent les éléments de langage fournis en échange de leur signature. Eux, ils avaient sans doute eu un rabais sur l'abonnement. Ils tentèrent de nous parler de culture pour tous, d'accès aux nouvelles technologies, du manque de médecin qu'on pouvait pallier grâce à l'iA. Mais 15 jours d'essai avaient permis à tous de se rendre compte que c'était n'importe quoi.
Nous avons promis que nous n'en resterions pas là.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire