La nuit commençait à tomber et j'approchais progressivement de la frontière de la ville. Parfois, en promenant mon chien, je ne sais pas très bien où commence et où finit la ville. Mais là, je le savais parfaitement : la dernière maison était celle de mon ami Kamel. Il me disait toujours qu'il était un peu la douane...Il était d'ailleurs devant sa maison.
Je le saluai, le regard inquiet. "Tu sais ce qui se passe ?" Lui non plus ne comprenait rien. C'était comme ça depuis le matin : des tas de gens étaient arrivés de partout, puis avaient commencé à occuper la rue. "Je suis allé les voir, je leur ai demandé...eh ! ben ! C'est pas des causants ! Ils m'ont juste dit "Vous savez bien...c'est ici qu'il faut être !" Tous ! Ils m'ont tous dit ça ! Je ne comprends rien !"
Il avait eu le courage de leur parler, j'étais admirative. Moi, leur silence, leur inertie, ça m'effrayait. Mais alors, la réponse..."C'est ici qu'il faut être..." Pourquoi ?
Il n'empêche que mon chien tirait de plus en plus sur sa laisse : il fallait qu'on trouve un petit coin pour lui.
J'ai dit bonsoir à Kamel et j'ai continué d'avancer, en me disant que si je passais la frontière, peut-être...
Mais Kamel a ri. Je n'ai pas compris pourquoi. Il m'a dit "Me dis pas au revoir trop vite !"
Et à mesure que j'avançais dans la rue, les mains des inconnus se tendaient vers moi : "Non, disaient-ils, c'est ici qu'il faut être..."
Et en arrivant à l'endroit où était planté le panneau rayé portant le nom de ma ville, j'ai ressenti comme...un filet...un empêchement. Quelque chose me retenait physiquement, comme si j'étais prise au piège.
J'ai reculé, agacée. Je suis revenue vers Kamel, désespérée. "Mais qu'est-ce que c'est que ce truc ? C'est bizarre..." Kamel a haussé les épaules..."Oui, et tu vois, juste après le panneau, il n'y a plus personne. Rien. Moi, ce matin, j'ai voulu aller acheter mon pain juste à côté. J'ai pas pu. Bloqué. Je ne sais pas ce qui se passe..."
En attendant...Mon chien refusait de faire ses besoins, avec ces gens partout. Il est un peu timide, je crois...Mais moi, je ne savais pas où aller...Comment faire ?
Kamel me suggéra d'aller dans la forêt. C'était une idée. Ce n'était pas très loin. Mais la nuit était là, désormais, et je n'étais toujours pas rassurée. Mon histoire commençait à ressembler à scénario de film d'horreur et je n'avait pas la vocation pour être la première victime. Imaginez les gros titres le lendemain : "Une jeune femme retrouvée morte dans les bois, alors qu'elle promenait son chien..."
En pensant à cela, je me suis dit qu'il fallait que je m'informe un peu sur ce qui se passait dans ma ville.
J'ai demandé à Kamel s'il y avait aussi des gens dans son jardin, de l'autre côté de son pavillon. Il m'a assuré que non. Je lui ai alors demandé si mon cher petit chien pouvait se soulager ici...en lui promettant de ramasser, évidemment !
(la suite demain)
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