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dimanche 22 novembre 2015

"Grammar Nazis*", mes amis...

Certes, j'ai déjà parlé de mon rapport troublé à l'orthographe...C'était ici-même, sur ce blog, le jour où je décidai d'y écrire pour la première fois. C'est dire si le sujet me tient à coeur.

Evidemment, je suis professeur de lettres modernes et je suis donc forcée de ne pas faire de fautes. Jamais - mais je ne suis pas un robot.

La faute, c'est la honte. C'est pire que la honte, même : c'est un marqueur social. La faute est le fer rouge de notre condition, de la force ou de la faiblesse de notre intégration. 

C'est ce que je tente d'expliquer à mes élèves : les fautes d'orthographe ou l'utilisation fautive du subjonctif, voilà ce qui vous classe tout de suite dans la catégorie des ploucs, des sans éducation, des pauvres. Je ne le dis pas avec ces mots...Mais c'est pourtant cela.

Cependant, mon point de vue c'est qu'en toute chose, l'excès est mauvais. La stigmatisation par l'orthographe n'a rien d'innocent et vient souvent de gens qui ont un petit complexe avec le sujet. Je le sais bien et si vous lisez le texte que j'ai mis en lien, vous comprendrez peut-être pourquoi.

Et puis je ne sais plus qui - Napoléon, peut-être - a dit que l'orthographe est la science des ânes. Il est vrai que tout le monde avec un peu de temps et d'application peut facilement corriger son orthographe.

Il est vrai aussi que c'est le début de la structuration de l'esprit et que c'est la marque d'une compréhension fine du sens, de l'origine de la langue et de la pensée. C'est aussi une politesse et  une attention particulière portée à celui qui lit.

Malgré cela, n'en faisons pas une maladie.

* Grammar Nazi est une expression née sur le net dans les années 2000. Elle désigne les internautes parcourant les sites de presse, notamment, pour corriger les fautes d'orthographe, via des commentaires souvent mouillés d'acide.  Si l'expression, à ses débuts étaient celles des victimes de ces correcteurs anonymes, très vite, eux-mêmes ont repris ces mots à leur compte, de manière ironique.

jeudi 19 novembre 2015

Cyclothymie passagère

La sidération. C'est tout.

Voilà des jours - nous sommes déjà le 19 et ça s'est passé le 13 -, le temps passe tellement vite et si lentement. J'ai l'impression idiote que le temps s'est arrêté : j'ai pourtant enchaîné les réunions et les heures de cours, j'ai couru à la mairie, j'ai même fait les courses et corrigé quelques copies. Mais à vrai dire, j'ai surtout lu des tas d'articles, des tas de commentaires, des milliers de post sur Facebook, des tweets à n'en plus finir.

Il faut chercher à comprendre : qui sont ces gamins qui décident de tuer des femmes et des hommes et qui se donnent la mort ensuite ? Les photos que l'ont voit désormais sur internet montrent des visages d'anges mal rasés. Comme si ces gamins voulaient paraître plus vieux que leur âge, comme s'ils voulaient se viriliser.

Je suis tellement choquée que je n'arrive pas à penser.

Tout se mélange : ces têtes d'ange mal rasées, les frappes en Syrie, les jeunes qui me ressemblent tellement et qui ont été fauchés pendant un concert de rock ou à la terrasse d'un resto, un vendredi soir. Les larmes qui coulent à chaque nouveau témoignage, ce texte d'un journaliste du Monde qu'on a affiché en salle des profs et qui dit "Vous n'aurez pas ma haine...", l'envie soudaine de boire des coups en terrasse, même s'il commence à faire froid par ici, l'envie de vivre encore plus intensément...

Tout se mélange : j'oscille entre la rage de remplir ma vie de rires, de partages, de culture, de mots, de gens que j'aime, de bonnes choses à manger, à boire, à fêter, et une grande dépression qui me cloue sur mon canapé devant des images de mort et de désolation, devant ces interminables textes d'analyse sur Daesh et sur la radicalisation et sur les armes lourdes qu'on retrouve dans des caves tout près de chez moi et puis ces putains de commentaires puants et haineux sous les articles des journaux en ligne, qui ne manquent pas de mettre tous musulmans dans le même panier...

Splendeur et misère humaine.

La vie nous reprend...Les élèves, les plus jeunes, nous offrent leur joie de vivre, leurs petites querelles habituelles, leurs cahiers de smileys à coller, leur joie de découvrir Ulysse et le cheval de Troie...

Et les troisièmes nous inquiètent, ils ont une vision apocalyptique du monde qui les attend. La liberté n'est pas pour eux, la fraternité a laissé place à un chacun pour soi dramatique...Et quelle égalité peut-on proposer à ces jeunes de banlieue, quand ils ont tellement une gueule de bouc émissaire, à 15 ans, déjà...?