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mardi 11 octobre 2016

Une petite minute

Depuis que je suis toute petite, depuis le catéchisme et la messe, en fait, depuis qu'on me conseille de faire des prières, alors que je ne sais pas faire de prière, je me dis parfois que modestement, déjà, s'il ne pouvait rien se produire de dramatique pendant une minute, une seule petite minute de répit, sans mort, sans violence, sans traumatisme crânien, sans même que quelqu'un se retourne un ongle ou marche sur un lego, alors, déjà, nous aurions beaucoup de chance.

Mais chaque minute, des drames et des catastrophes, inexorables, comme le va et le vient d'un balancier d'horloge, font le bruit de fond de nos vies. Tic ! Un tremblement de terre...Tac ! Une ville rasée par des bombes...Tic ! Un ami a le cancer...Tac ! Un bus de collégiens tombe dans un ravin...

Pas de sommeil possible, pas de rêve, pas de rose. La misère s'abat sur le monde, la violence, la guerre, la souffrance. Et quand on prend une pause, quand on croit qu'on peut tourner les yeux, un instant, vers quelque chose de beau, de léger, de frais, on se prend en pleine face le malheur, encore et encore. 




dimanche 9 octobre 2016

Acteur en série

« Mon chéri,

 Je t’ai vu, hier soir, dans l’épisode #12 de la saison #26 des Experts Miami. Tu étais mort, ton corps se décomposait déjà, on t’avait sorti de l’eau après une noyade. Tu avais été tabassé, ton visage était tuméfié et ton bras droit pendait bizarrement démantibulé le long de ton torse nu et défoncé.

Je sais que c’est de la télé, que ce métier d’acteur te conduit à faire des choses insensées et que ce n’est qu’un jeu et un métier. Je sais que les gens qui font les maquillages et les effets spéciaux sont extras. Mais cette image continue de me hanter.

Heureusement, ce soir, je viens de t’apercevoir dans le dernier épisode d’Esprits criminels. Tu faisais un témoin très concerné, très attristé, très sincère. Ta mère venait d’être assassinée et gisait dans la cuisine, dans une mare de sang. Mais toi, tu étais parfait, très convaincant. Tu avais l’air de tellement aimer ta mère, tellement la regretter. J’ai versé une larme, crois-moi ! Mais quand les inspecteurs finissaient par découvrir que tu étais finalement le criminel, l’odieux criminel, - ah ! mais quelle idiote, je n’aurais jamais dû regarder ça jusqu’au bout ! - tu as eu ce regard torve, faux, malsain…Tant de haine envers ta mère…

Je sais bien que c’est ton métier et que tu dois faire de ton mieux, jouer la comédie avec conviction. Mais bon sang ! J’y pense encore avec des frissons d’horreur.

Dans quelle série vas-tu travailler la prochaine fois ? Tu m’avais parlé de Sex and the city…Je regarde cette série…Mais par pitié, si tu as des scènes de nu, des scènes de sexe, s’il te plait, dis-le moi. Je ne voudrais pas encore faire des cauchemars.

Bises, mon chéri,
Ta maman. »

jeudi 6 octobre 2016

Conversation d'ascenseur

L'automne est arrivé par surprise. Celui qui n'aurait pas eu l'idée de sortir le bout de son nez ou celle qui n'aurait pas jeté un oeil à la page météo du journal, derrière ses carreaux, aurait pu penser qu'il faisait encore beau et assez chaud.

Aujourd'hui, dans la rue, j'ai même aperçu une jeune femme en petite robe alors que tout le monde avait déjà sorti la doudoune et l'écharpe.

Mais le vent s'est levé et a apporté les frimas qui font roussir les feuilles et tourbillonner la poussière. Les passereaux se rassemblent sur les fils pour se tenir chaud. Et la forêt qui a doucement grillé tout l'été commence à s'effeuiller, sexy, pour faire pousser à ses pieds des champignons, si la rosée est assez généreuse.

Le ciel est si clair le soir, accrochant un peu de barba papa toute rose à l'ouest, traversée de reflet de caramel...

Si la nuit est limpide, bientôt au matin elle aura déposé un peu de givre sur les paysages de Franche-Comté.

Vous avez rallumé le chauffage ?