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samedi 29 juin 2013

Out, outer, outing

Voilà les mots qu'on utilise quand on veut parler du moment où quelqu'un choisit de dire qu'il est homosexuel (ou le moment où quelqu'un le dit pour lui). 

C'est assez violent. La traduction de ce verbe est sortir. Dans l'imaginaire, c'est une sortie manu militari, avec larmes et cris...

L'autre jour, un collègue n'a pas voulu m'outer auprès d'une collègue, mais une troisième l'a fait sans y penser. Le premier collègue est venu m'en parler, la troisième aussi, mais elle savait que ça ne me posait pas de problème, parce qu'elle me connait bien.

C'est assez étrange. C'est comme si on faisait des secrets et des mystères sur moi, dans mon dos.

Imaginez la situation pour une personne hétérosexuelle.

"Excuse-moi. J'ai dit à la collègue de maths que tu es hétéro : ça m'a échappé, on parlait de nos week-end et j'ai dit que je t'avais rencontrée au ciné avec Damien, ton mari. Tu ne m'en veux pas, j'espère."

On trouverait cela bizarre, non ?

J'aimerais qu'on parle de moi normalement, sans se poser de question.

J'ai conscience que mon orientation sexuelle pourrait me mettre en danger, si elle était connue de gens mal intentionnés. Mais lorsqu'on est entre personnes de confiance, c'est différent, non ?

CC

7 commentaires:

Elodie Jauneau a dit…

Je me pose régulièrement cette question en effet. Un peu comme si on disait à quelqu'un: "Mais si enfin rappelle-toi! Mon pote hétéro tu sais?"
... Y'a encore du boulot...

Didier Goux a dit…

Élodie, ce n'est nullement une question de "boulot" !

CyCee : Je veux dire par là que c'est quelque chose de très général et qui n'a, finalement, que fort peu à voir avec l'homosexualité : il est bien évident qu'on ne peut pas caractériser un être par ce qu'il partage avec la grande majorité de tous les autres (ici, l'hétérosexualité). Par exemple, pour désigner un collègue à un autre, vous pouvez lui dire : « Mais si, tu sais bien : le très grand complètement chauve ! » Mais il ne vous viendrait pas à l'idée (parce que ce serait inopérant) de lui dire : « Mais si, tu sais bien : celui de taille moyenne avec des cheveux ! »

Et cela marche avec les gros, les roux, les porteurs de lunettes (enfin, là, beaucoup moins : on est trop nombreux…), les boiteux, etc. Cela marche aussi avec les noirs et les blancs, sans que le racisme ait quoi que ce soit à y voir. Désigner, chez nous, un homme comme étant noir est un bon moyen de faire comprendre de qui on parle ; et je suppose qu'en Afrique, c'est pareil avec un blanc. Mais l'inverse serait absurde.

Et vous ne pourrez jamais faire, je crois, que les gens soient curieux (mais pas forcément de façon négative) envers ceux qui s'écartent, volontairement ou non, de la norme. Et cette curiosité touche absolument tous les domaines. Je me souviens d'un ancien rédacteur en chef qui était entretenait deux foyers avec enfants, chacune de ses femmes ignorant l'existence de l'autre. Eh bien je peux vous dire qu'il était plus souvent qu'à son tour le sujet des conversations de machine à café, notamment chez les jeunes femmes !

Cycee a dit…

Oui, ce que vous dites est parfaitement logique, sauf que ce n'est pas de ça que je parle.

Mon homosexualité n'est pas une caractéristique physique, je ne le porte pas sur moi, bien moins, en tout cas que mes lunettes ou mes cheveux frisés. Et puis mon propos, c'est justement que l'on parle de moi, normalement, surtout entre les personnes qui me sont proches : que des amis à moi parlent de moi naturellement, comme ils le font d'autres amis, en disant "Je l'ai vue avec sa femme, au cinéma, elle n'avait pas l'air en forme"...Plutôt que de faire des mystères du genre : "Je l'ai vue avec tu sais qui, hum, hum...Hein, tu vois de quoi je veux parler..."

Pour les collègues qui ne sont pas des amis, de toutes façons, je suis ce qu'on appelle une lesbienne invisible : il est impossible même qu'ils se doutent que je suis lesbienne.

Didier Goux a dit…

Il est vrai que mes exemples étaient plus "physiques" qu'autre choses, et à ce titre pas très bien choisis. Mais le principe reste à peu près le même, il me semble.

Pour le reste, je crois qu'il faut vous faire une raison, ou au moins vous armer de patience : un texte de loi n'a jamais suffi à faire changer la perception des gens. Or, il se trouve qu'il se passera beaucoup de temps (si cela arrive jamais, ce dont je doute fortement) avant que tout le monde puisse dire de façon naturelle et sans y penser : « Tiens, hier, au marché, j'ai vu CyCee avec sa femme ! »

Les personnes qui ne sont pas dans la norme (et cela vaut pour à peu près tous les domaines de la vie) posent un problème à ceux qui y sont, qui y sont de façon tellement naturelle, tellement allant-de-soi, qu'ils n'ont même pas conscience de cette norme, ne serait-ce qu'un problème de désignation, en effet ; ou de définition : on ne sait jamais trop qui ils sont vraiment.

Vous pouvez le regretter, vous en attrister, etc., mais vous ne pouvez pas changer cette "réalité lourde" ; en tout cas pas à la vitesse où vous souhaiteriez qu'elle changeât.

Cycee a dit…

Qu'est-ce que la norme ?

Je suis dans la norme : je vis en couple, je suis plus dans la norme que les célibataires, j'ai un boulot, je suis plus dans la norme que les chômeurs, je vis dans un appartement, je suis plus dans la norme que ceux qui vivent dans une caravane...

Et puis je ne parle que de mes amis, pas des gens que je ne connais pas...je parle aussi du terme "out, outer, outing" et de la violence que ça suppose. Socialement, je vis en couple, au sein d'un foyer fiscal...mais quand les gens "outent" quelqu'un, ils parlent du plus intime...de ce dont on ne parle pas en général, de la sexualité. C'est une réalité que ne peuvent pas appréhender ceux qui ne la vivent pas.

Et je n'exprime ni regret, ni tristesse, je constate seulement. Quant à moi, quand je parle de mon couple, je le fais naturellement, d'une manière allant-de-soi, sans avoir conscience que je peux troubler...Et d'ailleurs, je me fiche bien de ceux que je peux troubler. Mis à part quand cela me met en danger...Mon but n'est pas de faire changer les gens, mais rien ne m'interdit d'exprimer mes souhaits et d'agir en conséquence...

Anonyme a dit…

Bonjour...
Réaction un peu rapide ... pour lecture en diagonale mais "concernée".;)
Réaction donc à votre commentaire ci dessus ce mot "norme" .. "je suis dans la norme plus que le célibataire"...
Et vous voulez que les choses "progressent"...?
La "norme"!!?? c'est quoi çà?
Allons allons...!
Ce mariage pour tous ... quelle "supercherie" dans ce contexte de.... norme!!
Et j'ai milité pour moi ... hétéro!!;)
Atypique et colegram...

Cycee a dit…

Le mariage, c'est la norme par excellence, non ? Ce n'est pas ce que nous serinent les "anti" depuis des mois ? Pourquoi les homos ne pourraient pas accéder à cette norme ?
Mais vous aurez saisi l'ironie de cette interrogation sur la "norme"...