Pages

mardi 11 janvier 2022

Taubira, Taubira pas...


Tout d’abord, pour être tout à fait au clair avec ce que vous allez lire, je tiens à vous le dire : Taubira, je l’aime d’amour. Déjà, c’est tout à fait le genre de nana que je kiffe : intelligente en plus d’être cultivée, déterminée pour ne pas dire autoritaire, libre et résolument humaniste. Depuis la loi sur l’esclavage, depuis le débat sur le mariage sur tous, depuis que j’ai eu l’occasion de l’entendre, dans des interviews, des émissions, des discours, des diatribes, des déclamations, je l’aime. Je me suis même inscrite à un groupe de soutien depuis l’été dernier, pour l’inciter à se présenter à la présidentielle, sur Facebook. 

Elle a dit non, d’abord. Assez...clairement… Le problème, avec Taubira, c’est que l’adverbe “clairement” n’est pas celui qui convient le mieux à sa pensée. En gros, elle a d’abord dit “Lorsque la situation semble désespérée, lorsque l’embarcation, sur la mer déchaînée, semble trop fragile, lorsque l’homme qui tient la barre semble connaître les vents et les marées et que la vague le surprend, lorsqu’il pense faire face mais qu’il est submergé, il faut que les femmes et les hommes de bonne volonté prennent leur responsabilité. Je ne serai pas celle qui ajoutera de la houle là où le vent semble déjà trop fort.” 

On n’a pas tout compris. On a gardé, collectivement, l’idée qu’elle ne serait pas celle qui…Mais qu’avait-elle voulu dire ? Personne ne le sait vraiment. 

Quelques mois plus tard, elle était toujours dans le mystère nimbé de poésie qui caractérise toujours ses prises de parole. Quand au détour d’une interview, on lui demandait inévitablement si elle se présenterait, elle citait…Genre “Même le crayon de Dieu n’est pas sans gomme” comme disait l’indépassable Aimé Césaire. 

Pendant ce temps, forcément, il y a eu Jadot, puis Hidalgo, puis Mélenchon, puis Fabien Roussel, puis Philippe Poutou, puis Nathalie Arthaud, puis Pierre Larrouturou…N'en jetez plus, la cour est pleine, comme disait ma grand-mère — beauté de la langue française. 

Et à nouveau, on lui demandait, M’dame Taubira, ira, ira pas ? Et, toujours un peu mystique et absconse : “Si le moment l’exige, si la situation le veut, si je n’ajoute pas de la confusion à la confusion…Je ne voudrais pas être celle qui, par le truchement d’une candidature de trop, sera celle dont on dira iniquement qu’elle a fait perdre la gauche alors que celle-ci est déjà exsangue, piéça, dévorée et pourrie, comme l’aurait dit Villon…” Et d’être obligée de préciser, devant les journalistes un peu ébaubis “Non, pas François Fillon, mais François Villon, le plus grand poète du Moyen- Âge, mes chers petits béjaunes…” 

À sa décharge, il faut se souvenir qu’en 2002, on l’accusa d’avoir fait perdre Jospin en se présentant. Je crois que Jospin est arrivé à perdre tout seul comme un grand et qu’il n’avait besoin de personne pour ça…C’est d’ailleurs de l’histoire ancienne. 

Le temps passait et Christiane ne se déclarait toujours pas franchement. Elle prendrait ses responsabilités, elle verrait, le moment venu. Et voilà que mi-décembre, paf, coup de tonnerre dans un ciel déjà bien couvert…un peut-être, un qui sait, un pourquoi pas… Alors que l’on n’y croyait plus, qu’on se trouvait déjà des explications — qu’elle était finalement un peu âgée pour rempiler éventuellement pour 5 ans, qu’elle ne voulait pas, avec sa stature, avec son aura, avec son charisme, se prendre une tôle assez courue d’avance et que le timing n’était définitivement plus le bon…— voilà que l’incertitude était un peu moins forte. 

Et puis elle a écrit une très belle tribune dans Le Monde. Je me moque avec un peu de facilité de l’esprit quelque peu alambiqué pour ne pas dire l'élocution ampoulée, de Christiane, mais elle sait faire preuve de synthèse et être concrète quand il le faut. Cela ressemble déjà presque à un programme. C’est à gauche. C’est clair et cela fait du bien, à l’heure où toute la gauche est inaudible. 

Cependant, à l’heure où j’écris, on a eu le droit à un énième pas de fourmi vers la possibilité d’une éventuelle candidature, avec la condition de passer par une primaire populaire dont elle saurait respecter les résultats. 

On ne sait plus que penser. On n’a jamais vraiment su que penser de toute cette histoire depuis le début. 

On a bien l’impression tout de même qu’elle n’a pas tellement envie d’y aller. 

C’est dommage, on aurait eu une candidate qui avait la classe, la culture, la personnalité et les convictions que l’on attend à gauche. Mais à part un miracle — aka un désistement surprises d’au moins trois ou quatre autres candidats de gauche à son avantage —, je crains qu’il faille arrêter de rêver.


1 commentaire:

Denis. a dit…

J'aime le respect pour sa personne sa vérité.
D'accord avec tes arguments.