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mardi 19 janvier 2016

Carol...et moi.

Si j'avais vécu dans les années 50, j'aurais été une paysanne savoyarde. Je ne me serais probablement pas mariée.

Ou bien, comme j'étais une frêle adolescente, à la santé fragile, comme je n'étais pas très forte à l'école, comme j'aurais sans doute peiné à avoir le certificat d'étude, j'aurais peut-être été placée à la ville, pour être...je ne sais pas...cuisinière, dans une famille bourgeoise. J'aime bien cuisiner.

A la ville...les villes savoyardes ne sont pas très grandes. Les villes où l'on peut se perdre dans la foule...il faut aller plus loin. Il faut aller au moins à Lyon. Est-ce que dans les années cinquante, j'aurais pu vivre à Lyon ? Je ne sais pas.

Non. Tout cela, c'est déjà de la romance.

Je ne me serais sans doute pas éloignée de beaucoup de la ferme familiale.

Comme aujourd'hui, moi qui vous parle, j'ai eu très tôt conscience que j'étais lesbienne, il en aurait probablement été de même dans les années cinquante. Je n'ai pas eu besoin d'un modèle. J'ai su, avant même de savoir que l'homosexualité existait, que je n'étais pas attirée par les garçons et qu'il m'était naturel de lorgner sur mes copines. C'est à peu près en même temps que j'ai eu conscience que c'était mal.

Bref. Si cela avait été pareil en 1950, j'aurais été malheureuse, je pense. Enfin qui sait...? J'aurais peut-être eu la volonté de m'affirmer. Mais je repense à ma famille. Du côté de ma mère. Son père avait 7 ou 8 frères et soeurs. Ils étaient deux à s'être mariés. La fratrie, statistiquement, devaient bien comporter un ou une homo. Cette tante, dont la chanson préférée était "N'avoue jamais" ? Cet oncle qui a fini alcoolique ? Je ne sais pas.

Tout ça pour dire que j'ai beaucoup aimé le film Carol de Todd Haynes. C'est une histoire d'amour entre deux femmes dans le New York des années cinquante. New York, ce n'est pas la campagne savoyarde. Mais évidemment, je suis une midinette et je m'identifie. Les romances lesbiennes sont rares. Les actrices sont brillantes : Cate Blanchett et Rooney Mara ont interprété avec justesse les regards, les non-dits, les interdits à braver. Elles sont habillées comme l'était ma grand-mère, celle qui a vécu à Paris : jupe en dessous du genoux, tellement élégante, rouge à lèvres impeccable, manteau trois quarts...L'expression même de la féminité.

Même s'il est idiot de vouloir transposer ce récit à notre monde, à 2016, ce film me parle. Il évoque quand même la difficulté de se dire, à soi-même d'abord, puis de dire aux autres, que l'on est homosexuelle. Même en 2016.

2 commentaires:

Suzanne a dit…

Avez-vous lu le livre de Patricia Highsmith ?
J'ai vu la bande annonce du film, au cinéma, et je n'ai pas vu le nom de l'auteur du roman sur le générique abrégé. Dommage.
J'ai beaucoup aimé le roman, et je tiens Patricia Highsmith pour un grand auteur non apprécié à sa juste valeur.
Dans la préface de Carol (qu'elle écrivit sous pseudonyme), elle dit qu'elle a reçu beaucoup, beaucoup de lettres de lecteurs homosexuels, des jeunes qui se découvraient, principalement, et se trouvaient désespérés par rapport à leur famille. Elle leur donnait le conseil d'aller à la ville.
Je connais plusieurs couples d'homosexuel(le)s notoires installés en pleine campagne, depuis plus de vingt ans maintenant. Dire qu'ils ne sont pas remarqués serait un peu faux, dans la mesure où ils s'affirment fièrement (couples qui tiennent des cafés ou font du théâtre) mais, à part quelques remarques pas toujours très fines sur fond d'alcool en général, rien à signaler dans le style ostracisme, crainte de contagion auprès de notre belle jeunesse, etc. J'avais écrit un billet là-dessus en 2010 http://merle-moqueur.blogspot.fr/2010/05/jeune-desprit.html
Ils sont venus à la campagne parce que, pour eux, la ville devenait dangereuse.

Cycee a dit…

Bonsoir Suzanne,
Désolée d'avoir fait attendre votre commentaire dans les limbes de mon blog...Je ne suis pas très assidues ces temps-ci !
Je n'ai pas lu Patricia Hightsmith, mais le film en est directement inspiré.
Ville ou campagne...La ville est un lieu où l'on peut se perdre, être anonyme et où l'on peut fréquenter des lieux communautaires qui n'existent pas à la campagne. C'est mieux pour rencontrer des gens qui nous ressemblent ! Mais il est vrai qu'une fois en couple, on peut vivre à la campagne désormais...Il y a des gens tolérants partout !
Il y en a aussi en ville...Tout est histoire de rencontres, bonnes ou mauvaises...
Bises, Suzanne ! Je suis heureuse de vous lire !