mercredi 31 décembre 2025

Il n'y a rien - Dans le grand tout - Épisode 5

 Que faire ? Me confronter à ce congénère ? Continuer ma route vers d’autres villages, d’autres villes, avec l’espoir de trouver plus de monde, plus de vivres, plus de vie ? 

 Le drone est parti et je dois prendre une décision seule. 

 Il faut essayer de recoller les morceaux de cette histoire abracadabrantesque. Il me manque des pièces. Il s’est passé quelque chose qui a poussé les gens à déserter ce village. Quoi ? Famine, virus, catastrophe naturelle ? Manque d’eau ? Tout cela est tellement plausible, au regard de la société que j’ai laissée il y a 20 ans. 

 Il faut que je rencontre cet homme. 

 Je sors de l’église, doucement réchauffée par un soleil d’hiver, rasant et froid. Il faut à nouveau gravir les côtes, remonter vers la forêt. Les routes n’existent plus. Les mousses, les grandes herbes, les ronces, les arbres ont gagné et envahissent tout. Je me dirige avec ma mémoire. Les grands prés sont colonisés par des acacias et des genêts. Le paysage est beau, dans son écrin sauvage. La nature a gagné la bataille, même si l’eau est rare et même si l’air est pollué, même si comme une fumée blanche flotte en permanence entre la terre gelée et le ciel bleu. 

 Il y avait là, il y a si longtemps, une ferme immense, moderne, de grands bâtiments de tôle, des centaines de vaches, des tracteurs énormes et des outils pour déchirer la terre. Tout est désormais recouvert par la végétation, effacé par la vie qui tente de détruire, lentement, patiemment, l’acier, la rouille, le fer, le plastique et les toits de fibres de verre. Je ne reconnais que les contours, que le fantôme d’un passé florissant. 

 Le hameau est là. La seule maison dont la cheminée fume est celle de mon arrière-grand-mère. Je ne peux retenir mon émotion. Je pleure bêtement. Je sais bien que ce destin est dicté par l’iA, que ce n’est qu’une fiction, mais je trouve cela beau et fort. 

 Je décide d’observer de loin, d’abord, d’espionner un peu la vie de cet homme avant de m’approcher. Au bout d’une demi-heure à ne constater que le lent panache de fumée s’élevant dans les airs, je vois enfin la porte s’ouvrir. Très lentement, un homme s’en extrait. Il porte une longue barbe brune, sous une sorte de chapka, un gros manteau au col fourré et de lourdes chaussures sur lesquelles s’écrase un pantalon de velours marron. Il sort d’un autre temps. Contrairement à moi, il n’a pas été rhabillé par l’iA avec des matières ultramodernes, mais froide comme le plastique. Je frissonne et je l’envie : comme cela a l’air confortable ! 

 L'homme regarde en l’air, semble soupeser l’air, le humer. Un long panache de vapeur s’échappe de sa bouche. Il s’avance vers le tas de bois rangé à la droite de sa porte, se saisit de la hache plantée dans le billot qui lui sert à fendre ses bûches. 


 Mais à ma grande surprise, il ne se contente pas de fendre ses bûches…

Aucun commentaire: