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dimanche 29 mars 2020

Journal de guerre contre un virus #14

Hier et aujourd’hui, le ballet des avions venant chercher des patients en détresse respiratoire vient briser le silence qui s’était installé sous nos fenêtres. Cela rythme différemment les journées, avec le passage de quelques corbillards et les églises qui sonnent à tour de rôle, pour des enterrements. La mort rôde.

On dit parfois que notre société a oublié la perspective de sa propre finitude, qu’on a oublié la possibilité de la mort. C’est sans doute assez faux. Mais on l’a apprivoisée, on l’a rendue moins aléatoire, plus contrôlée, plus juste. Ce qu’on entend, parfois, c’est que la mort d’un jeune, d’un enfant est injuste. La mort n’est pourtant ni juste, ni injuste. C’est la chose devant laquelle nous sommes les plus égaux, au contraire. Je ne dis pas pour autant que c’est facile à accepter.

C’est là, d’ailleurs, que se situe la question, aujourd’hui : l’acceptation, le deuil, les moments qui entourent la mort.

Je me souviens de la mort de mon père. C’était à la fois brutal et prévisible. Il était malade depuis un certain temps et la mort était une probabilité forte. Mais il avait reçu des traitements qui semblaient marcher, il était rentré à la maison. Et puis son état s’est brusquement dégradé et en quelques heures, il fut hospitalisé, mis sous respirateur, il perdit connaissance…

Je me souviens de la dernière nuit auprès de lui. Le personnel de l’hôpital nous a accompagnés dans ce moment terrible. Mon père semblait vivre un long cauchemar, il cherchait son souffle et ne nous voyait pas, ne nous entendait pas. Mais nous avons tout de même pu prendre sa main, lui dire une dernière fois qu’on l’aime, lui dire tout ce que l’on devait lui dire dans ce moment si terrible. Cela sembla l'apaiser un moment. Nous étions ensemble, en famille, autour de lui. Et cela était infiniment précieux, pour préparer l’après sans lui. Je veux croire que c’était important pour lui aussi. Qu’il est parti plus tranquille de nous savoir autour de lui, unis, d’entendre les derniers mots d’amour de chacun.

Aujourd’hui, je pense particulièrement aux familles des malades du Covid-19. A la peur de la mort, mais aussi à la douleur terrible de ne pas pouvoir accompagner son père, son mari, sa femme...dans ce moment tellement important de la vie. De la vie.

Pas marrant, mon billet...Allez, cultivons l’espoir : cette maladie, ne l’oublions pas, on n’en meurt pas à chaque fois ! Dans 95% des cas, on survit !

Étonnement devant le jour 

Mes yeux sont éblouis du jour que je revois !
L’ayant cru défier pour la dernière fois.

Mes yeux sont étonnés de revoir cette aurore,
Ainsi, moi qui souffris autant, je vis encore !

Je vis encor, je souffre et peux encor souffrir…
Sans exhaler mon cœur dans un dernier soupir !

Mais comment puis-je ainsi voir la lumière en face,
Moi dont le cœur est lourd et dont l’âme est si lasse ?

Ô mon destin mauvais… Je suis devant l’amour
Un adversaire nu… Voici venir le jour !…

Moi dont l’être est plus las que le dernier automne
Qui se meurt sur les lacs, je vis… Et je m’étonne !

Renée Vivien, Dans un coin de violettes, 1910
(Recueil posthume, ironie du sort. Elle a tenté de se suicider en 1908 puis a vécu affaiblie, malade pour mourir finalement à 32 ans seulement, en 1909.)

8 commentaires:

noelle grimme a dit…

triste ton journal aujourd'hui
oui je sais c'est la vie qui est triste en ce moment et forcement on vois en noir plein de chose
mais haut les coeurs ma belle les arbres sont en fleur (juste au moment ou il va geler encore un coup du virus?) et il y a la solidarité,l'amour et l'amitié c'est déjà beaucoup
si tu as un forstisia fais toi un petit bouquet pour égayer ta journée
biz çà vous 2

Cycee a dit…

Bises à toi, Noëlle !
Merci pour tes ondes positives !
Tout n'est pas rose, mais ça va.
Tant que je pose tout ça là, c'est que ça va !
Et puis tant qu'on est en vie, tout va bien !
Porte-toi bien !

FalconHill a dit…

Petit message pour te dire que je continue à te lire. J’ai ce journal. Mais j’ai toujours aimé te lire.

Prends soin de toi

Nicolas Jégou a dit…

Tu as oublié de dire que tu n’avais pas fièvre..

Cycee a dit…

Nicolas ; c'est parce que c'est le deuxième billet pour la même journée et que je ne prends pas ma température plusieurs fois par jour !

Cycee a dit…

FalconHill ; ça me fait plaisir de te voir là ! Comment vas-tu ? Le confinement se passe bien pour toi ? Télétravail ?
Prends soin de toi et des tiens !
Bisous

sylvana a dit…

Comme je te comprends Céline, Ça me rappelle aussi mes deuils... l’impuissance devant la mort, c’est tellement dur... Mais nous sommes des battantes, et la vie est là ... chaque jour qui passe nous rapproche de la fin de la pandémie.. essayons de faire taire notre angoisse. Douces pensées.❤️

Cycee a dit…

Coucou Sylvana,
C'est notre histoire commune, c'est l'humanité...c'est la vie. Mais tu as raison, nous sommes des battantes !
Merci !
Je t'embrasse !