Je n’ai pas de fièvre.
J’ai la gorge un peu irritée, comme lorsqu’on prend un peu froid. Trois fois rien. J’écoute un peu plus mon corps, à vrai dire. Je l'ausculte. Je le sonde. Il me semble que j’ai quelques douleurs inconnues, depuis ces quelques jours de confinement. Peut-être est-ce déjà le manque d’activités physique ? J’ai eu une période assez intense, entre 6000 et 12 000 pas par jour, selon mon téléphone, pendant la campagne électorale, entre le collège, les tracts à distribuer, les aller-retours à la mairie et au local. Et puis là, je vais une fois par jour à la mairie. Et je travaille ensuite dans mon canapé. Mon corps n’a pas la même posture. Mais ces courbatures ? Est-ce le virus ?
J’ai pris le soleil sur le balcon, en constatant qu’il y avait presque autant de voitures que d’habitude et des gens qui couraient, qui jouaient au ballon, qui étaient tranquillement assis sur les bancs, au bord du Doubs. Le temps est exceptionnel. C’est bien dommage qu’il y ait autant de voitures : on ne profite pas vraiment du chant des oiseaux.
J’ai vu des gens se promener. Je sais bien qu’il ne faudrait pas. Comment empêcher les enfants de sortir, avec ce soleil. Les CRS viendront. L’armée peut-être. Il faudra que les gens comprennent. Je ne suis pas sûre d’avoir envie de cela. J’aimerais tellement plus de douceur.
En allant à la mairie, j’ai tellement aimé marcher dans le soleil, le sentir chauffer doucement mon corps. C’est un plaisir si doux, en ce début de printemps. Peut-être que si l’on ne meurt pas, nous réapprendrons à vivre. J’ai dit bonjour aux gens que j’ai croisés dans la rue. J’ai bien senti qu’ils s’écartaient, presque imperceptiblement, qu’ils retenaient leur respiration, le temps que l’on s’éloigne. Il nous reste les sourires et les regards, de loin. Nous sommes des êtres sociaux, ce qui nous tuera, sans doute, ce sera les manques de rapports humains. Les solitudes vont s’exacerber. Si l’on regardait bien, depuis le balcon, cet après-midi, ceux qui étaient dans la rue n’avaient pas l’air bien. Que penser de ce grand ado qui a passé une heure, peut-être plus, à faire des roues arrières sur son vélo devant le temple. Tout seul. Et que penser de celui-là avec son ballon, tout seul...Jouer seul au foot...Pendant une heure ou deux...Et celui qui est passé en dodelinant de la tête, un sac de course vide à la main, une fois, deux fois, trois fois…
Le soleil était tiède, nous avons vécu une belle journée de mars. Les eaux du Doubs sont chargées de promesses, les magnolias sont splendides.
A la mairie, nous avions pris les dispositions pour tenir le conseil municipal de demain dans les conditions idéales. Les services ont travaillé pour installer une salle où les distances pouvaient être respectées. On avait des gants, du gel hydroalcoolique. On devait se retrouver une trentaine, avec les absents qui auraient fait des procurations. Ce n’était pas une folie.
Mais il a été annulé, dans un énième revirement du gouvernement. On est dirigé par des aveugles dans le brouillard.
En fait, depuis dimanche soir, notre ville n’a plus qu’une seule élue : le maire sortant. Elle est seule à assumer toutes les décisions. Nous l’épaulons, naturellement, avec une équipe soudée de sortants et le futur maire, qui n’est donc pas élu et qui ne le sera pas demain. Mais nous le faisons en toute illégalité, puisque nous n’avons pas de délégation. C’est cela qu’aurait permis le conseil de demain soir. Un exécutif légal. La situation n’est pas nette. On nous propose de réinstaller l’équipe sortante pour “expédier les affaires courantes”. Comme si nous étions dans une situation normale, avec des “affaires courantes” à “expédier”. Non. Nous sommes dans une période de crise inédite et dramatique. Nous apprenons l’apparition de nouveaux cas chaque jour autour de nous. Les hôpitaux sont surchargés. Tout le monde est inquiet, pour un père, une mère, une grand-mère, un mari plus fragile, plus vulnérable. Nous avons besoin, dans un moment pareil de gens prêts à s’engager, pour le bien commun, pour faire en sorte que la solidarité ne s’arrête pas. Pour que le CCAS puisse continuer son travail, pour que les services d’aide à la personne puissent porter les repas aux plus âgés, aux plus isolés, pour que les infirmières à domicile aient des gants, des masques, du gel hydroalcoolique...Il faut coordonner cela, il faut signer l’autorisation de faire un chèque pour acheter des masques...Une personne seule ne peut pas l’assumer et nous constatons chaque jour que l’Etat n’est pas à la hauteur. Nous nous sentons oubliés, loin des discours du président. Macron a parlé de milliers de masques, l’autre soir à la télé, il a parlé de réquisitionner des entreprises pour en fabriquer. Mais ici et maintenant, au moment où le personnel du CCAS doit porter des repas à domicile, où des ambulanciers doivent transporter des patients atteints par le virus, ils n’ont pas de masque, pas de protection individuelle à usage unique. C’est une honte pour un pays comme le nôtre. Et c’est bien plus grave qu’un conseil municipal organisé en toute conscience. Continuité démocratique.
A côté de cela, les gens se baladent, main dans la main, et se bécotent sur les bancs publics au bord de la rivière. Et puis les enfants des quartiers jouent au pied des immeubles sans comprendre vraiment que nous ne sommes pas en grandes vacances. Sans comprendre, sans doute les mots pandémie ou confinement.
2 commentaires:
j'ai laissé un message je suis effarée de cette façon de gérer cette situation du vrai n'importe quoi des élus démocratiquement élus qui ne peuvent rien faire d'autres qui ne le sont plus qui doivent prendre des décisions cruciales c'est beau la démocratie et en + le ministre du travail qui veut que les salariés travaillent même si pas de sécurité c'est triste à pleurer!!
Oui, Noëlle, toute la gestion de cette crise est dramatique. Quand on voit le manque de réaction, malgré une situation qui visiblement était connue depuis longtemps, selon la ministre de la santé, c'est aberrant : le manque de masque, notamment...
Bises et prends soin de toi !
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