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dimanche 3 mai 2020

Journal de guerre contre un virus #49

Je n’ai pas de fièvre.

Notable, aujourd'hui, j'ai vu ma mère, pour la première fois depuis Noël. Par WhatsApp. Ce n'était pas encore arrivé, parce qu'elle ne sait pas se servir de ces trucs-là et qu'on n'avait pas encore trouvé le moyen de l'organiser. Cela m'a fait plaisir et m'a émue...

J’ai sérieusement repris le travail. Non, en fait. Mes élèves ont sérieusement repris le travail. La tendance s’est affirmée depuis hier après-midi et le phénomène s’est carrément accéléré depuis 4 ou 5 heures. Normal de se mettre à travailler les deux derniers jours avant la rentrée : des élèves restent des élèves, même en temps de crise mondiale du COVID. C’est rassurant, cette permanence du travail à l’arrache du dimanche soir. Réconfortant. Touchant.

Moi, je n’avais pas vraiment lâché, parce que les vacances des profs n’en sont jamais à 100 %, même en confinement. Les messages, les questions sont arrivées, au fil des 15 derniers jours, en nombre réduit, mais tout de même, un peu. Et puis il faut toujours penser à la suite, prévoir les cours pour la dernière période, tellement incertaine, avant les grandes vacances.

Avec les 6e, ce sera un peu de théâtre, Le Médecin Volant, de Molière. En travail à distance, cela présente quelques avantages : le texte est disponible en ligne ainsi que des vidéos. Le théâtre est un art vivant.

Pour les 3e, nous travaillerons la poésie lyrique puis la poésie engagée. Je vais les faire écrire. Parce que même à distance, c’est facile à organiser, l’écriture. Avec les poèmes engagés, je vais en faire de petits révolutionnaires, des résistants contre le virus. Ou un truc comme ça. Enfin, sans avoir de souci avec le rectorat, si possible.

Cela ne nous ferait pas de mal de relire ces poèmes de la 2e guerre mondiale. De définir ce que c’était que le courage, l’engagement, la liberté.

La liberté ? Les brigades de santé, le secret médical ? Les autorisations dérogatoires, la liberté d’aller et venir ? La liberté d’exercer son métier ? De gagner sa vie ?

J’essaie de me dire que l’important, c’est d’être comme Diego, libre dans sa tête, mais je me demande si l’on pas déjà morts, peut-être.

L’espèce humaine, ce chiendent de la planète, s’en sortira. Mais notre civilisation, non. Quand on se tire une balle dans le pied de la sorte, point de salut, je le crains.

Et pas un poète, pas un révolté pour dire “laissez-nous notre liberté de juger, laissez-nous le droit d’être responsable de nos actes. Si nous savons ce qui est dangereux, nous sommes capables de nous protéger sans que vous nous verbalisiez. Sans que vous nous punissiez comme des enfants.”

C’est peut-être le résultat de décennies d’individualisme. De réunions publiques durant laquelle les gens dénoncent tellement facilement “ceux qui roulent comme des fous”, mais qui sont les premiers à être verbalisés si jamais on met un radar dans leur rue. Peut-être que c’est juste la nature humaine qui est désespérante. Peut-être que c’est le résultat d’années de Cyril Hanouna (mais avant cela, de Christophe Dechavanne et de Patrick Sébastien) à la télé. De cette espèce d’abêtissement général. On s’est mis à ne plus penser, d’une manière globale.

Qui pense encore un peu à ce qu’est vraiment la liberté ? Je suis parfois effarée par les réponses simplistes qu’on nous serine, même sur les radios de service public, à ce sujet. Pour moi, la liberté, c’est avant tout penser en dehors de toute contrainte. C’est un défi permanent, c’est une recherche, c’est quelque chose qui n’est jamais complètement terminé. J’ai dû apprendre à penser en dehors des contraintes familiales, par exemple, quand j’ai pris conscience de mon homosexualité. En dehors des contraintes de la société dont j’étais issue. Il a fallu que je me forge ma liberté, pour être fidèle à moi-même.

Est-ce qu’en ce moment, nous sommes capables, collectivement, de penser en dehors des contraintes externes, des contraintes de l’Etat, des grosses macroneries dont on nous abreuve, des "les masques sont inutiles" puis "les masques sont obligatoires", des trumperies grotesques, des "injectons nous du savon en intraveineuse" et des "c'est la faute aux Chinois, faisons la 3e Guerre Mondiale" ?

Est-ce que nous serions capables de penser uniquement en fonction des contraintes de la raison ? C’est un peu trop kantien, peut-être, pour un dimanche soir. 

Bah !


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