Est-ce que j’ai la négative attitude ? Je ne suis jamais vraiment positive, en vérité. On va tous mourir et le monde court à sa perte. Mais malgré tout, je cultive une certaine joie de vivre. Je sais voir la beauté des choses. J’adore les vanités, ces tableaux en vogue au XVIIe siècle. Une rose qui se fane, posée à côté d’un crâne, une plume, un encrier, une belle ambiance boisée d’un riche intérieur. La nature, l’art. J’aime la vie. J’aime les femmes, j’aime la beauté. Le vin et les mets raffinés. Cela suffit au bonheur. Mais peut-on être pour autant béat d’optimisme ? La tête de mort est toujours là et la rose se fane. En ce moment particulièrement, et tout au long de l’histoire, évidemment. Les hommes se foutent sur la gueule pour des motifs futiles, la société est un bordel joyeux de viols et de meurtres, de génocides, d’horreurs en tout genre. Nous vivons sans doute une des périodes les plus sereines de l’histoire, pourtant. Les plus prospères, les plus évoluées. Sérieusement. L’épidémie, c’est une chose que l’histoire a déjà vue. On s’en sortira, ce n’est qu’un aléa. Je sais que c’est un aléa malheureux, dramatique, pour beaucoup d’entre nous. Mais nous n’avons pas la guerre, la faim, nous n’avons pas les horreurs de la Seconde Guerre mondiale. Même si le système de santé est loin d’être parfait, nous n’avons pas les conditions sanitaires déplorables des Poilus pendant la Première Guerre Mondiale.
En réalité, nous vivons dans une société de l’abondance sans même nous en rendre compte. Nous nous plaignons toujours comme des enfants, alors que nous aurions tout pour être heureux, si seulement cette abondance était mieux partagée.
Pour ce qui est du monde tel que nous le connaissons, oui, il va devoir évoluer, il va devoir s’adapter. C’est toujours le cas. Après une guerre, le monde doit se reconstruire. La Seconde Guerre Mondiale a causé la destruction des villes sous les bombardements, une société divisée, le retour des prisonniers traumatisés à vie. Et il en est sorti la Sécurité Sociale. Un État plus protecteur, une société plus prospère et un (tout petit peu) plus juste. Rien ne s’est fait en un jour, pourtant. La reconstruction a duré des années. Il ne faut pas oublier qu’après la guerre il y a eu des tickets de rationnements plusieurs années encore, une lente reconstruction, des vies bouleversées, un exode rural massif…
Le changement le plus caractéristique, le plus “révolutionnaire”, quand on y pense, c’est l'agriculture, entre 1945 et nos jours. Nous sommes passés très vite (à l’échelle d’une vie humaine) d’une France rurale et paysanne à une France industrielle et tertiaire. 6 millions d’agriculteurs en 1940, moins de 500 000 aujourd’hui. Etait-ce une révolution qui allait dans le bon sens ? Je suis personnellement persuadée que non, parce que ce fut le début des intrants chimiques, la fin des haies, le labour qui détruit la terre, la fin de l’agriculture vivrière et locale et le début de l’agrochimie alimentaire de masse, en un mot de la malbouffe. Mais cela prouve une chose : on peut changer de modèle de société en une trentaine d’années. Si c’est possible pour le pire, ce devrait l’être pour le meilleur.
Dans cette petite crise du corona virus, la France n’a pas vu ses infrastructures détruites, sa population décimée, et nous avons du ressort.
Si nous étions un peu malins, nous tenterions de réinventer une société plus en adéquation avec nos besoins réels. Peut-être sommes-nous allés trop loin dans cette société de consommation. Peut-être est-il temps de faire une sorte de diète collective. Nous ne serions pas moins heureux si nous allions en Ardèche en vacances plutôt qu’en Thaïlande. Plus facile à dire pour moi qui suis déjà allée en Thaïlande que pour ceux qui n’y sont encore jamais allés. C’est l’apprentissage d’une petite frustration. Et il y a tant de pays que je n’ai pas encore visités...Mais je peux y aller quand je veux avec Google Earth, finalement. Et puis le tourisme a ses limites. Que voyons-nous vraiment du monde dans nos courses folles ? Et le raisonnement doit être le même pour les technologies, les voitures qui se garent toutes seules, les téléphones qui font tout, sauf la vaisselle, mais cela ne saurait tarder...Ce qu’on prend, ce qu’on jette, c’est la question à se poser. Cela ne se fera pas en un seul jour. Il faudra du temps, de la volonté politique. Pour l’agriculture, après la guerre, il y a eu les traités européens, le Plan Marshall.
Pour nous, pour l’instant, c’est mal parti, parce que nous avons peur (et nous avons des dirigeants politiques qui ont peur). Parce qu’il est toujours plus confortable d’être conservateur : c’est-à-dire vouloir faire durer les choses telles que nous les avons toujours connues. C’est un réflexe humain, cette recherche du confort. Mais je suis une progressiste. Il faut aller de l’avant. Il faut proposer, inventer, créer des solutions nouvelles, pour que chacun puisse profiter du progrès pour vivre une vie confortable, sans nuire aux autres et à la planète. L’industrie était déjà en train d’évoluer, bien avant le COVID, le travail sera différent, la société doit donc trouver d’autres moyens pour avancer. Je crois à l’idée de revenu universel, je crois que chacun doit pouvoir trouver une place dans la société, la place qui est la sienne, la place de l’artiste, celle du créateur, celle de l’artisan, celle de l’intellectuel, celle de celui qui veut être utile aux autres, l’agriculteur, l’ouvrier, le “soignant”, l’aidant... grâce à l’assurance de pouvoir se nourrir, se loger, se soigner sans souci. Cela ressemblait à une utopie (toujours un peu, non ?), il y a à peine trois ans encore, lorsque Benoît Hamon a présenté cela dans son programme. Je crois qu’aujourd’hui, on devrait pouvoir reconsidérer la question. Sérieusement, à l’aune de cette période que nous venons de vivre. Durant le confinement, des artistes ont joué des concerts gratuitement, pourquoi ne seraient-ils par rémunérés par un revenu universel ? On a redécouvert toute l’utilité des éboueurs, des caissières, des agents d’entretien des villes et des entreprises, des professeurs, des personnels soignants, des aides à la personne de tout poil, des agents des services publics en général, des agents d’EDF qui ont continué de produire de l’électricité pour que les gens puissent continuer de vivre dans le même confort… Et j’en passe. Tout le monde a son utilité. Tout le monde devrait pouvoir s’assurer le minimum vital pour le rôle qu’il joue dans la société. Même si certains ne peuvent pas, alors, c’est la solidarité de la société entière qui doit prendre le relais, dans une société qui ne donne plus vraiment de place aux plus fragiles, aux plus vieux, aux plus malades, aux plus handicapés, aux moins chanceux à la roulette de l’intelligence ou des capacités physiques.
Et l’agriculture, dans tout ça...pourquoi y a-t-il aujourd’hui moins de 500 000 paysans pour nourrir 70 millions de Français ? C’est une aberration...vous ne trouvez pas ? On mérite de la qualité, des produits locaux, des exploitations de plus petite taille qui vivent vraiment de leur travail et respectueuses de l’environnement...
Utopie ?
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