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samedi 9 mai 2020

Journal de guerre contre un virus #55

Je n’ai pas de fièvre.

J’ai juste mal à la tête et je suis juste exténuée. Beaucoup trop de préoccupations et d’émotions négatives depuis trop longtemps. Pas assez de vacances. Beaucoup trop de pages noircies. J’écris ces chroniques d’abord dans un traitement de texte et j’en suis à 105 pages A4, police Arial taille 11, dont deux sonnets, trois nouvelles et beaucoup de conneries : des conneries révoltées, attristées, insouciantes, politiques, masquées, fleuries, gastronomiques, sentimentales, vides de sens. C’est beaucoup trop. Il est temps que ça s’arrête.

C’est peut-être le dernier week-end, sauf que lundi, rien ne va changer : toujours la classe à distance, sans savoir jusqu’à quand. Toujours la mairie, les milliers de questions à propos des masques. Je serai juste plus détendue si j’oublie de valider mon autorisation avant de sortir. Et peut-être pourrai-je avoir un rendez-vous chez le coiffeur dans un délai raisonnable.

Si je fais le bilan du confinement, je trouve quelques aspects positifs : je n’ai pas conduit depuis plus de 50 jours, je n’ai pas mis les pieds dans un supermarché non plus depuis aussi longtemps. Merci Amandine, merci Place du Local. Je n’ai pas fait de shopping depuis tout ce temps : je fais partie de ceux qui ont cumulé un pouvoir d’achat de malade. Je ne suis pas allée chez le coiffeur depuis encore plus longtemps. Mes cheveux grisonnent, je n’ai pas tellement envie de ce vieillissement subi et désespérant. Mais Amandine, gentiment, me dit que ça me va bien. J’ai perdu quelques kilos, je dois être la seule dans ce cas durant cette période. Il faut dire qu’on a stoppé subitement les restaurants. Et même si on fait bonne chère à la maison, je cuisine plutôt très équilibré, je crois.

J’ai commencé à regarder deux séries, j’ai lu deux livres dont un que je n’ai pas encore terminé mais je n’ai pas pu voir un seul film en entier. Il faut dire que le cinéma n’est pas spécialement ma tasse de thé. J’ai écouté beaucoup de musique, par contre. Cela collait mieux à ma mélancolie ou à ma fatigue. Et j’ai donc écrit, écrit, écrit. Ce qui est un signe de bonne santé, chez moi. Merci à tous mes lecteurs et aux nombreux commentateurs sur Facebook et ici. Merci infiniment pour votre présence chaque soir !

La personne qui partage ma vie n’a pas eu l’air de trop souffrir de ma compagnie. Malgré les petits coups de blues, elle a l’air ravie de ma bonne humeur et de ma cuisine. Merci de sa présence sans faille, malgré la tarte à la choucroute.

J’ai l’impression d’avoir fait de mon mieux en tant qu’élue. Nous avons trouvé des masques dès le début pour ceux qui en avaient le plus besoin et ceux pour toute la population ont commencé d’être distribués. Nous avons géré les affaires courantes, nous avons été autant que possible des facilitateurs pour la population, pour les commerçants, pour les entrepreneurs durant cette période si compliquée pour tout le monde. J’ai eu la chance de faire cela avec des élus et des agents intelligents, humains, solidaires. Nous nous sommes vus chaque jour, nous avons appris à mieux nous connaître et nous avons traversé ensemble des drames et des moments joyeux qui renforcent les liens. Merci à eux.

J’ai l’impression d’avoir assuré comme je pouvais pour mes élèves. Pas autant que j’aurais voulu, parce que j’ai eu l’impression de faire un nouveau métier auquel je n’étais pas prête. Parce qu’il a fallu apprendre à adapter le travail, écrire à destination des élèves pour être comprise, sur différents canaux, sur les réseaux sociaux qui ne sont pas prévus pour cet usage. J’ai découvert certains élèves différemment, aussi : plus concernés par leur travail, plus soucieux de leur réussite. Sans doute plus inquiets encore, pour leur avenir dans ce monde soudain tellement incertain. Enfin, j’ai pu compter sur des collègues formidables et bienveillants. Un merci tout particulier à Caroline et à Julie…

Enfin, je tiens à me dire merci. On n’est jamais si bien servi que par moi-même. Merci à mon imagination pour me permettre d’écrire toutes ces bêtises. Merci à mes stratégies de feignasse. Je n’ai toujours pas rangé mon linge sur cette chaise qui se prend pour une armoire dans la chambre, ce qui me permet de croire que je suis tellement occupée que je ne peux pas m’en occuper. Merci à mon imagination, encore une fois qui m’a permis de préparer des repas variés chaque jour. Jamais deux fois la même chose, je crois, ou presque. De toute façon, je n’aime pas les recettes. Merci à mes capacités contemplatives qui m’ont permis de rester sur le balcon à ne rien faire. Juste observer mes contemporains. Merci à mes guitares. Je crois que j’ai progressé un peu et que je réussis pas trop mal Hallelujah de Cohen, au moins une fois sur deux. Amandine n’est pas forcément d’accord, surtout quand je chante pendant ses heures de bureau. Merci à moi-même d’être ce que je suis : je ne me suis pas si mal supportée, même si souvent, j’ai envie de sortir en claquant la porte, surtout quand je m’entends dire pour la centième fois “Toutefois, si vous toussez et que vous avez de la fièvre, vous êtes PEUT-ÊTRE malade”, en ajoutant “Non, pas PEUT-ÊTRE : quand on tousse et qu’on a de la fièvre, on EST malade !”

Bonne soirée !


3 commentaires:

MHF a dit…

Merci de nous avoir accompagné.e.s. C'est très agréable de te lire et cela me fait réfléchir.
A bientôt j'espère...

Unknown a dit…

Bonsoir,
j'ai lu une bonne partie de vos texte et toujours beaucoup de bonheur dans cette lecture. Certain était à la limite des larmes. tellement vrai vos écrit.
Bravo et merci.
Thierry

Anonyme a dit…

Merci Céline pour le partage des vos textes que j'ai appréciés chaque jour (grâce à Cédric au début). De belles réflexions et pas mal d'humour aussi. Souvent vos pensées rejoignaient les miennes, je trouvais ça rassurant ;-)
Au plaisir de vous lire encore, peut-être, malgré le déconfinement...
Anne C-P