Pages

jeudi 30 avril 2020

Journal de guerre contre un virus #46

Je n’ai pas de fièvre.

En décembre, j’ai eu une semaine de vacances, en Savoie.

Depuis, j’ai enchaîné le boulot, la campagne des municipales et la crise du COVID-19 avec la cellule de crise tous les matins, et le travail à distance avec le collège le reste du temps.

De ma vie de feignasse de prof, c’est la première fois que je n’ai pas de vacances durant 4 mois et je tiens un peu sur les nerfs, je crois !

Mais je me surprends, quand même : ça ne va pas si mal, si l’on considère la situation. Je n’ai même pas eu un rhume. Le corps tient. Même si j’ai perdu 5 kilos, ce qui est plutôt sympa pour l’été...Comment ça, nous n’irons pas à la plage ?

Pour l’instant, sur la carte officielle du gouvernement, on est toujours en rouge, ce qui veut dire qu’on va continuer à ce rythme encore quelques semaines : cellule de crise, préparation d’une rentrée des classes dans notre ville pour - peut-être - le 1er juin, ou avant, ou pas du tout. Et télétravail, WhatApps, mail, pronote, Discord, SnapChat, avec les élèves.

Pour une ville de 15 000 habitants, avec 8 écoles maternelles et 6 écoles élémentaires, on va se préparer éventuellement à tout, on va bosser comme des malades pour des procédures de cinglés. Je te la fais courte : il faut désinfecter les classes plusieurs fois par jour, avant et après que les enfants iront aux toilettes, des litres de désinfectants et de gel hydroalcoolique qu’il faudra éviter de laisser à la portée des enfants pour ne pas qu’ils en boivent, et tout ça pour qu’ils choppent peut-être la maladie de Kawasaki et que cela retombe sur la responsabilité des maires.

Tout ça pour une dizaine de jour de classe au maximum, si on doit faire des groupes de 15 élèves et des roulements. Autant dire tout ça pour rien, pédagogiquement, au point où on en est pour l’année scolaire 2019-2020.

Mais il faut bien que quelqu’un garde les enfants pendant que leurs parents iront fabriquer des voitures à l’usine. Des voitures que pour l’instant, personne n’achète, surtout pas les gens qui ont perdu 20% de leur salaire pendant 2 mois. Ou pire.

Bref. La société continue de marcher sur la tête. On aurait pu poser un peu les valises durant ce temps offert par le virus. Penser sereinement. Se dire, tiens, on va réfléchir à une société différente : par exemple, durant la crise, on a remarqué que l’agriculture bio et locale a bien tenu le choc, à bien mieux résisté que l’agriculture traditionnelle. On a même vu des boites qui vendent des produits bio et locaux qui ont triplé leur clientèle et qui ont besoin de plus de producteurs. Donc, ce qu’on va faire dès que la crise sera finie, c’est de réquisitionner des terres arables pour installer des maraîchers, des producteurs, des agriculteurs bio, en permaculture, en aquaponie...pour produire des bons produits sains pour les citadins.

En tout cas, à Audincourt, c’est ce qu’on va faire. On va aussi planter des arbres, des fleurs mellifères, on va mettre des ruches dans le parc, on va faire des vergers partagés. On peut le faire, on peut changer de paradigme, on peut se recentrer sur l’essentiel. C’est à dire, pas le papier toilette, pas l’hyper consommation.

Ce serait bien, d’ailleurs que les commerçants locaux rebondissent de la même manière face à la crise : ne plus vendre les mêmes cochonneries chinoises qu’on trouve sur amazon, mais des choses produites dans notre zone. C’est possible ! Et toutes ces petites usines de textiles qu’on redécouvre en ce moment parce qu’elles se sont mises à fabriquer des masques : après la crise, il faut qu’elles produisent des vêtements français, des vêtements de prêt à porter made in France, qu’elles soient aidées par l’État pour qu’on puisse avoir des prix concurrentiels et qu’on arrête d’exporter des fringues moches d’Asie, des fringues qui ont voyagé plus que toi et moi, des fringues fabriquées par des gamins mal nourris, des fringues à 2 balles (mais qu’on paye beaucoup plus selon le petit logo sur l’étiquette) et qu’on jette à la poubelle au bout d’une saison…

Allez, je suis fatiguée. Pour rêver comme ça, c’est certain, je dors déjà !

Bonne nuit !


Aucun commentaire: