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dimanche 12 avril 2020

Journal de guerre contre un virus #28

Je n’ai pas de fièvre.

Poser les mains sur le clavier. Fermer les yeux quelques instants. Et puis les mots viennent naturellement courir sous mes doigts. Parfois, cependant, il ne se passe rien. Parfois la page reste blanche, les yeux, fermés. Je sais taper les yeux fermés, ceci dit. C’est un truc de prof, souvent, je tape le cours au tableau en regardant les bavards droit dans les yeux : ça les impressionne toujours, les bavards !

Aujourd’hui, j’ai une sorte de crainte de ne pas revoir mes élèves de troisième. De ne plus jamais les revoir, sauf à l’improviste à la caisse d’un supermarché.

Tout dépendra de ce que Macron dira demain soir. On peut faire des scénarios.

On peut se dire qu’il dira l’inverse de son ministre de l’éducation, puisqu’il semblerait que ce soit la règle. Jean-Michel a déclaré que l’on n’envisageait pas de reprendre seulement en septembre. Donc, il se pourrait bien que ce soit le cas.

On peut se dire qu’il la jouera encore petit bras : il va repousser le confinement de 10 ou 15 jours. Sans se mouiller, sans prendre de risques, sans vexer le MEDEF qui veut qu’on reprenne le boulot fissa et sans pour autant se mettre l’académie de médecine à dos. 10 jours et on verra bien. Tout le monde sait bien que ce sera insuffisant.

Peut-être qu’il va présenter une carte du déconfinement progressif, à la Hanouna. A la Evelyne Dheliat. Sale temps pour la Bretagne qui n’a pas encore connu le pic de l’épidémie. Par contre pour moi, retour au boulot la semaine prochaine.

On peut supposer qu’il va faire une vraie annonce, un truc vraiment bien, une bonne nouvelle. Genre, j’ai trouvé des masques et des tests pour tout monde. Des milliards de masques. S’il y en a trop, on les stockera dans l’entrepôt “Roselyne Bachelot” qu’on construira pour l’occasion. Pour les tests, l’industrie pharmaceutique est réquisitionnée, les laboratoires privés sont réquisitionnés. En trois semaines, nous serons en capacité de tester tout le monde.

On peut supposer qu’il aura mal supporté la dernière semaine du confinement. Que cela se passe très mal avec Brigitte qui ne lui parle que de ses cheveux blancs et qui veut sans cesse lui écrire des discours trop littéraires, plein de références à Virgile : “Ô trop heureux, les paysans, s’ils connaissaient les biens qu’ils ont…” et “une jeunesse endurante et contente de peu”.

On peut supposer que Macron va faire un burn-out en direct, le brushing un peu moins lisse que d’ordinaire, les yeux injectés de sang, le masque chirurgical de travers au-dessus d’une cravate mal serrée.

On peut supposer qu’il va annoncer des choses étranges comme par exemple, la réouverture immédiate et sans condition des coiffeurs pour le bien-être des couples en perdition ou encore la reprise des classes de latin, dans les collèges, à condition de ne jamais plus enseigner Virgile.

Ou alors, il va se la jouer cynique, MEDEF à fond, en pire. Les vieux, les diabétiques, les obèses, les mal-en-point de tous les styles doivent se sacrifier pour la Nation. On reprend le boulot demain, bande de feignasses. On a pas de masques, on a pas de gants, ceux qui devront mourir, mourront. C’est la sélection naturelle. Evidemment, vous serez nos héros, on vous fera une cérémonie au Panthéon et un mal-en-point anonyme viendra rejoindre le soldat inconnu sous l’Arc de Triomphe. On l’honorera tous les ans pour Pâques, qui restera un jour férié. Ce sera le seul jour férié de l’année, désormais. On reviendra aux 60 heures par semaines et à deux semaines de congés payés. Estimez-vous heureux. On a 6 points de PIB à rattraper.

Ou enfin, rêvons un peu, après ce cauchemar, il va nous proposer un vrai revirement politique. Une vraie prise de conscience écologique et responsable. Cap sur l’économie sociale et solidaire, services publics renforcés, écologie partout, depuis les paysans, “trop heureux, s’ils connaissent les biens qu’ils ont”, jusqu’à notre “jeunesse endurante et contente de peu”, (concession à Brigitte), on change de paradigme, on change de civilisation. Il a téléphoné à Angela, on redirige tout le pognon de l’Europe sur des projets de relocalisation, d’agriculture bio, de recyclerie, de pics à brochettes en bambou. On fabrique à nouveau nos tee-shirts et nos maillots. On replante du coton et de l’acrylique partout dans nos champs. On mise à fond sur les énergies renouvelables, on plante des éoliennes dans les champs de coton et d’acrylique.

Et vous, vous avez des idées de ce que dira le président ?


2 commentaires:

Nicolas Jégou a dit…

C’est rigolo. J’ai publié mon billet à peu près en même temps que toi ... Avec le discours de Macron.

Cycee a dit…

C'est ça quand on se voit la veille ! On partage les mêmes avis !