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jeudi 2 avril 2020

Journal de guerre contre un virus #18

Nouvelle scène de film d'horreur
Je n’ai pas de fièvre.

Les jours se suivent et se ressemblent, quand l’amour fait place au quotidien…Joe Dassin est avec nous, ce soir. La musique m’accompagne depuis le début du confinement.

Je n’arrive pas à lire de roman ou à regarder de film. Comme si la fiction ne pouvait pas m’extraire de la réalité, cette fois-ci. Comme si la réalité était trop puissante, trop lourde, trop incroyable. Qui aurait pu imaginer que comme dans un film de science-fiction, ou comme dans un film d’horreur, nous puissions voir ainsi les rues désertées des voitures et des passants et le ciel se vider de ses avions ? Comment aurions-nous pu imaginer que le chaos que nous aurions à vivre, nous, pauvres petits humains augmentés du XXIe siècle, serait un chaos calme, un chaos par défaut, une guerre du rien, du vide. Cela ressemble finalement à l’époque. C’est une guerre pour une époque vaine et vide de sens, sans idéologie et sans croyance, une guerre contre un ennemi invisible, une bataille où l’arme fatale est l’inaction complète. Ne faites rien, tenez la vie à distance, regardez l’herbe pousser derrière vos carreaux, vous sauvez des vies. Cela dépasse tout ce que la fiction propose.

Et ce qui devient fiction, ce sont des histoires où des gens se rencontrent, s’embrassent et s’aiment, mélangent leurs peaux et leurs sueurs, se parlent à l’oreille, échangent à moins des 6 mètres - minimum -, désormais réglementaires, de distance entre les êtres. Notre passé semble une fiction. 

Nous ne savons pas jusqu'à quand nous devrons rester à ne rien faire. Jusqu’à ne plus pouvoir passer la porte de notre foyer, rendus obèses par les usages excessifs de notre canapé et de notre frigo ? Jusqu’à notre anéantissement par le diabète et le cholestérol, qui aura notre peau plus sûrement que le virus ?

Je ne m’ennuie pas. C’est plutôt le contraire. J’ai trop à faire et j’ai envie de profiter un peu de ce vide qui s’offre à nous, en vérité. J’ai envie de vivre cet instant au même tempo que les autres. Alors la musique, c’est l’idéal. Slow down. Violoncelle, Everybody here wants you, Chet Baker, Ella, elle l’a, et Rubinstein au piano, sur quelques nocturnes de Chopin. Je laisserais mon coeur battre de plus en plus lentement, pour conjurer le sort de mes nuits de mauvais sommeil, de mes matinées à aider, à répondre, à écouter, à réclamer, pour que la vie continue malgré tout, de mes après-midi consacrés des recherches frénétiques pour trouver des contenus simplifiés et accessibles à mes élèves, pour qu’ils puissent être autonomes devant leur écran, puisque je ne pourrais pas franchir cette nouvelle barrière hygiénique.

Notre futur semble aussi être irréel. Nos rapports humains pourront-ils être les mêmes, ensuite ? N’aurons-nous pas plongé trop loin, chacun chez soi, dans le virtuel, dans une introspection personnelle, dans un cocon protecteur propre à nous couper des autres êtres humains ? Pourrons-nous encore nous serrer la main sans peur, nous faire la bise sans crainte ?

Certains humains à tendance ursinoïde s’en réjouissent déjà, je le sais. Mais je suis un être social et ça m’inquiète un peu, le retour à la vie normale.

Je m’inquiète. Mais je sais aussi que l’être humain reste humain, souvent, et qu’il ne lâche pas l’affaire si facilement. Et partout, je vois des petits gestes qui rassurent et qui aident, des mains tendues, des fleurs offertes, des services rendus, aux voisins, aux amis, des voix solidaires au téléphone, des mots simples mais qui touchent, qui réchauffent et qui réconfortent.

Bonne soirée !

7 commentaires:

Nicolas Jégou a dit…

Pareil. Je n’arrive pas à lire un roman.

Cycee a dit…

Dommage collatéral sur nos cerveaux.
Bisous

noelle grimme a dit…

moi c'est le contraire je lis beaucoup j'ai même commander à Sébastien 2 livres mardi, livrés l'après midi super et déjà lus donc j'en ai recommander 2 autres s'il les a en stock
lire un bon livre au soleil avec plein de fleurs autour j'ai beaucoup de chance alors haut les coeurs les filles portant je ne vois qu'une personne par semaine (ma fille qui fait mes courses) !!

sylvana a dit…

Comme tu as bien écrit tes pensées et quasi les miennes...! Jour 18 mais mon inquiétude latente est là encore... je ne m’habitue pas. Heureusement je dors assez bien, c’est mon endormissement qui parfois est long, ou des cauchemars courts plusieurs fois par nuit, et donc je dors plus longtemps le matin, j’arrive à convaincre mon esprit de le faire, sans doute rassuré de deviner la lumière du jour...
J’ai beaucoup de mal à lire aussi... à part tard le soir dans le lit quand il faudrait plutôt dormir ! Et je me fais rappeler à l’ordre... je n’arrive plus à regarder de films, je me plonge plutôt dans des séries car je sais qu’elles sont sans fin... et j’avale les épisodes les uns derrière les autres , sans penser à ce qui se passe à l’extérieur ... J’en sors ahurie! Mais depuis quelques jours je m’impose quotidiennement des exercices physiques ! Ouf... !
Et tous les jours je pense à l’APRES, à toutes ces personnes que je pourrai serrer dans mes bras, à la maison qui sera remplie non stop de tous ces êtres qui m’auront manqué, ma famille, mes amis, nombreux ! je cuisinerai sans fin pour les accueillir tous , on boira des coups, on fera la fête, on mettra de la musique, on refera le monde!! Et nous trinquerons ma chère Céline....❤️

Cycee a dit…

Bonjour Noëlle, c'est vraiment super ce service proposé par Sébastien. Je suis contente que tu te portes bien ! Tu as raison ! Haut les coeurs !
Bisous

Cycee a dit…

Bonjour Sylvana,
C'est tellement étrange et perturbant, ce confinement. Mise en quarantaine de nos habitudes, de nos réflexes, de tout ce qui fait nos vies habituelles. Mais on goûtera mieux le retour de tout ce qui fait le sel de la vie, ensuite !
Vivement ! Courage !
Bisous

sylvana a dit…

👍❤️